Contre la précarité et la pauvreté du monde étudiant qui explosent, le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine à l’Assemblée Nationale propose une loi pour le logement étudiant et la solidarité envers les étudiants.
Entretien avec André Chassaigne, député communiste de la 5ème circonscription du Puy de Dôme et président du groupe communiste à l’Assemblée, à l’initiative de cette proposition de loi.
Comment se manifeste la précarité étudiante ? Votre proposition de loi pointe de grandes disparités sociales…
Malheureusement, la précarité des jeunes et des étudiants est cachée et très peu reconnue. La preuve en est que les enquêtes sur les conditions de vie des étudiants n’ont lieu que tous les 4 ans ! Mais leurs résultats sont alarmants puisque près d’un quart des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et plus de la moitié ne sont pas en capacité de subvenir à leurs besoins élémentaires. Le niveau de renoncement aux soins et la détresse psychologique des étudiants sont aussi des marqueurs extrêmement forts. D’ailleurs, quel terrible constat et quel manque de considération, que ce soit par le biais de l’explosion des demandes d’aide alimentaire des jeunes auprès des associations caritatives que notre société mesure aujourd’hui la détresse qui touche notre jeunesse pendant la crise du COVID-19.
Votre proposition de loi répond à la précarité étudiante, en grande partie due au coût du logement. Vous mettez en avant une pénurie de logements universitaires, est-elle la première responsable de cette précarité ?
Pour agir concrètement face à la précarité étudiante, je crois qu’il faut avoir des réponses politiques à deux niveaux.
D’une part, sur l’indispensable augmentation des ressources propres des étudiants afin qu’ils puissent assumer leurs dépenses courantes et les besoins spécifiques liés à leurs études. C’est ce que les députés communistes défendent de longue date. C’était l’objet de la proposition de résolution de Marie-George Buffet demandant l’instauration d’un revenu étudiant, déposée en mars 2020. Dans l’urgence, pour faire face à la crise, nous proposons l’extension immédiate du RSA aux jeunes de moins de 25 ans.
D’autre part, nous devons agir sur les dépenses contraintes, au premier rang desquelles figurent le coût du logement étudiant. C’est ce que nous demandons aujourd’hui avec la proposition de loi que je viens de déposer pour assurer un logement en résidence universitaire pour chaque étudiant boursier. À l’échelle de la France, 671 000 étudiants sont boursiers, contre seulement 170 000 places en résidence universitaire. Plus de 500 000 boursiers sont donc privés d’une offre de résidence universitaire alors que ces logements sont précisément là pour garantir des loyers modestes et des logements adaptés et à proximité immédiate des établissements universitaires.
La précarité contraint une majorité d’étudiants et d’étudiants, en particulier boursiers, à mener un travail salarié en parallèle des études, quelles en sont les conséquences sur les études ?
Les résultats des études sur l’impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires sont très clairs : plus les étudiants occupent un emploi régulier, plus la probabilité de leur réussite aux examens universitaires est réduite. Mais j’y reviens, si tant d’étudiants sont forcés de travailler, c’est d’abord parce qu’ils sont obligés de se tourner vers des bailleurs privés, avec des loyers moyens de près de 500 € mensuels. Ce sont ces dépenses contraintes exorbitantes de logement qui les obligent à travailler. Mettre en adéquation le nombre de places en logement universitaire et le nombre d’étudiants boursiers, c’est non seulement permettre aux plus modestes d’accéder au logement mais aussi leur garantir de meilleures conditions de réussite dans l’enseignement supérieur en leur évitant de cumuler petits boulots et études. Cela doit aussi permettre, par ricochet, de dégonfler la flambée des prix du parc privé, qui touche tous les étudiants.
La proposition est donc d’augmenter le nombre de résidences universitaires pour être en adéquation avec le nombre d’étudiants boursiers, cela veut dire 500 000 logements universitaires supplémentaires, comment fait-on ?
Sur le modèle de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000, la proposition de loi entend inscrire dans le code de la construction et de l’habitation des obligations réglementaires afin d’adapter le nombre de logements en résidence universitaire au nombre d’étudiants boursiers moyen sur les 5 dernières années. Mais, pour construire, il faut d’abord connaître avec précision l’état du parc actuel en lien avec les établissements, son devenir et les possibilités de construction. Cela implique à la fois les services des CROUS, l’Etat, les collectivités territoriales, notamment à travers les programmes locaux de l’habitat. Nous avons souhaité inclure les syndicats étudiants parmi les acteurs délibérant sur la façon de mettre en œuvre l’élaboration des dispositions du programme local de l’habitat concernant les logements universitaires. Leur implication sera une garantie de la prise en compte des besoins des étudiants.
Pourquoi financer cette politique avec une taxe sur les transactions financières ?
Cette proposition de financement cible la spéculation boursière avec les échanges de titres. Cette taxe mériterait d’être élargie au niveau européen et à toutes les transactions financières, mais elle a l’avantage de pouvoir lever rapidement des moyens budgétaires en pénalisant les acteurs de la finance les plus importants. Cela participe aussi du combat que nous devons mener pour tordre le cou à l’idée selon laquelle nous n’avons pas les moyens de conduire des politiques sociales ambitieuses. Construire en quelques années 500 000 logements en résidences universitaires, c’est 15 à 20 milliards d’euros à mobiliser… quand la fraude et l’évasion fiscale des grands groupes et des actionnaires coûte 80 milliards d’euros chaque année au budget de l’État ! Non seulement ces dépenses seraient utiles aux étudiants, mais elles mobiliseraient aussi l’emploi en assurant de l’activité au secteur du bâtiment.