Arrestation des observateurs du PCF en Turquie. Le témoignage d’Hülliya Turan
Avec la sénatrice Christine Prunaud et le chargé des relations internationales, Pascal Torre, la secrétaire départementale du PCF du Bas-Rhin, Hülliya Turan, faisait partie de la délégation d’observateurs du PCF pour les élections turques, arrêtée dimanche à Agri, dans le sud-est de la Turquie. Hülliya Turan était la seule personne à parler la langue turque. Entretien, quelques minutes avant le départ de l’avion de la délégation, de l’aéroport d’Agri, pour Istanbul.
Pouvez-vous expliquer comment s’est déroulée votre mission sur place depuis votre arrivée en Turquie ? H.T. On est arrivés sans aucun problème la veille du vote. Le dimanche matin, on s’est retrouvés avec le co-président du HDP local pour faire la tournée des bureaux de vote à Agri. On a été voir trois bureaux, un qui était au centre de la ville, très rapidement, et deux autres à une cinquantaine de kilomètres d’Agri, dans les communes avoisinantes. On a juste constaté comment se déroulait le vote, le matin de bonne heure, sans constater de problèmes particuliers, si ce n’est une présence très importante de l’armée.
A 10h30, on a été interpellés par les forces de l’ordre. Ils ont voulu prendre nos passeports en prétextant qu’ils avaient ordre de faire une enquête à notre sujet. On a refusé de les donner mais on leur a dit qu’ils pouvaient en prendre des photos s’ils voulaient, ce qu’ils ont fait en nous disant qu’ils allaient démarrer l’enquête, et qu’on devait les suivre jusqu’à la gendarmerie. Une fois arrivés, ils nous ont dit qu’on était dans l’obligation de rester à l’intérieur de la gendarmerie le temps de l’enquête. Très rapidement ils ont placé Christine et Pascal dans une pièce et ils m’ont mise dans une autre pièce pendant une heure où il y a eu une échange… assez compliqué…
C’est-à-dire ?
H.T. En fait, j’ai eu droit à un interrogatoire dans une pièce normale, pour savoir pourquoi j’étais là, qui j’étais, quels étaient mes engagements politiques, etc … voilà… ( Hülliya Turan fait comprendre qu’elle ne peut pas en dire plus pour l’instant. )
Ensuite Pascal et Christine ont été vus seuls pour un échange. Suite à cet échange, les gendarmes avaient tous les éléments sur notre groupe, qui on étaient, à quelle heure on était venus, ce qu’on avait fait pendant les 48 heures de notre présence. Donc, ils avaient vraiment tous les éléments en détail, sur qui on était, en France aussi.
Vers 13h30-14h , ils nous ont dit qu’on pouvait repartir, puis finalement, au moment où on était en train de quitter a pièce, ils ont eu un contre ordre disant qu’il fallait absolument qu’on reste dans la gendarmerie jusqu’à 17h. On avait accès au téléphone, et l’on s’est retrouvés de nouveau ensemble après la période d’interrogatoire, ils nous ont fait attendre dans une pièce.
Un peu avant 17h, ils sont venus avec un document disant qu’on avait été interpellés pour une enquête. Que suite à cette enquête, il n’y avait aucun élément permettant d’entraîner des poursuites d’ordre pénal. Ils ont demandé qu’on signe le document, ce qu’on a fait. On a demandé à avoir un double, ce qu’ils ont refusé. Ils ne nous ont pas autorisé non plus à prendre une photo. Donc, on n’a aucune preuve, nous de notre côté, de ce document.
Ce n’est pas une arrestation dans le sens où l’on serait accusé de quelque chose, ni une garde-à-vue. On a été interpellés et contraints à rester dans l’enceinte de la gendarmerie, donc privés de tous nos droits, droit de circulation, d’être libres de nos gestes. A partir de ce moment là, on a été en contact avec le consul de France - Christine était en contact très régulier avec lui - ce qui a été un élément pour faciliter la relation et la manière dont ils nous ont retenus sur place.
Est-ce qu’il y a eu des menaces proférées contre vous ?
H.T. Je pense que le mieux, c’est peut-être qu’on en reparle à notre retour…
Le peu de temps où vous avez été libres, qu’est-ce que cette présence dans la région d’Agri vous a permis de constater sur le déroulement de ces élections ?
H.T. Sans trop non plus rentrer dans les détails parce que je préférerais en parler plus longuement quand nous serons rentrés en France, moi ce que j’ai constaté, c’est que les gens avaient la possibilité d’aller voter, mais dans un climat entretenu pas très rassurant. Avec une présence des militaires partout, jusque dans les bureaux de vote. Ce n’était pas toujours évident pour les électeurs d’être à l’aise dans cette situation..
De ce que j’ai pu observer dans un temps très court, c’est que ça a été des élections extrêmement compliquées.
Mais là, à Agri, je n’ai pas ressenti de tensions particulières, et les retours que l’on a eu, pour Agri, c’est que le vote s’est relativement bien passé, ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs.
Avez-vous eu des contacts avec les électeurs ?
H.T. Non, parce qu’en tant qu’observateurs, on n’est pas censés discuter avec les électeurs. Chaque fois qu’on allait dans les bureaux, on a rencontré les assesseurs qu’on a salués, on a expliqué qui on étaient. Ils nous ont dit que ça se passait bien. On a été aussi accueillis dans les villages par les chefs de villages, mais on n’a pu faire que 4 villages avec pas mal de kilomètres entre.
Aviez-vous demandé une autorisation particulière pour cette mission d’observation ?
H.T. On y est allés en tant que délégation du PCF, ça ne nécessitait pas d’autorisation particulière.
Avez-vous eu l’impression que la gendarmerie avait déjà des informations sur vous avant que vous arriviez à Agri ?
H.T. Ah oui. Il y a eu un moment de flou parce qu’il y a aussi des observateurs de l’OSCE ( Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe, ndlr ), donc ils nous ont peut-être pris pour eux au début, et d’ailleurs, c’était un des éléments à charge contre nous, de dire qu’on s’était fait passer pour eux. Alors que quand on a été dans les bureaux de vote, on a à chaque fois bien précisé qu’on était une délégation du PCF. En aucun cas, on ne s’est fait passer pour une autre délégation d’observateurs.
Des trois membres de la délégation, vous étiez la seule à parler turc, on vous a fait des remarques là-dessus, sur vos origines ?
H.T. Oui, oui… mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.
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