CORÉE DU SUD : des milliers de personnes manifestent contre les États-Unis et appellent à la coopération avec la Chine et la Corée du Nord •
- ADMIN5319
- 16 AOÛT 2022
- SI ON VOUS LE DIT
Tant qu’il y avait une dictature sanglante pro-américaine en Corée du Sud, il était impensable que ce pays exprime un quelconque antiaméricanisme, le discours qui faisait du protecteur américain était un dogme imposé dans la torture et le sang. Mais les rancunes s’accumulaient et un monde syndical, une jeunesse ne supportant plus la tutelle oppressive qui était présenté comme non seulement le sauveur face à la Corée du Nord mais la puissance qui avait permis le développement économique. Ceux qui connaissent le cinéma coréen ne manquent pas d’être frappés par la dimension de classe toujours présente, mais aussi une interrogation sur les valeurs traditionnelles détruites par le consumérisme importé de l’occident à travers l’essor impulsé de l’extérieur. Si l’on ajoute à ce sentiment national déjà spécifique celui de la relation avec la Corée du Nord qui n’a rien à voir avec nos caricatures, on se dit que ce type d’alliance avec l’occident n’est pas l’allégeance qui peut apparaître au niveau des gouvernements conservateurs en particulier.
15 août 2022 dans WORLD
Des milliers de syndicalistes sud-coréens et leurs partisans progressistes se sont rassemblés dans le centre-ville de Séoul pour protester contre les jeux de guerre conjoints américano-sud-coréens prévus plus tard ce mois-ci. Les exercices seront les plus importants depuis des années et suivront l’élection en mai du président Yoon Suk-yeol, qui a promis d’adopter une ligne dure à l’égard de la Corée du Nord.
Les dirigeants syndicaux s’inquiètent des risques. Bien qu’il y ait des Sud-Coréens, en particulier des partisans du président Yoon à droite, qui sont en faveur de liens étroits avec les États-Unis, un grand nombre d’entre eux soutiennent également que l’armée américaine et l’alliance du pays avec Washington entravent l’amélioration des liens avec la Corée du Nord et génèrent des tensions. Les exercices impliqueraient un groupe de frappe de porte-avions américains avec une formation approfondie sur le terrain pour inclure des manœuvres amphibies. La Corée du Sud s’est également entraînée aux côtés des forces américaines avec les chasseurs d’attaque interarmées F-35 nouvellement acquis. Dans un effort pour renforcer les États-Unis et la Corée du Sud, des officiers militaires de l’alliance Séoul-Washington se réuniront pour discuter du déploiement de moyens stratégiques américains et de la dissuasion étendue, qui fait référence au déploiement d’armes nucléaires américaines dans la défense de la Corée du Sud.
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RAPPEL POUR LES NULS POUR COMPRENDRE LES RELATIONS COMPLEXES ET TENDUES QUI EXISTENT ENTRE LES USA ET LA CORÉE DU SUD :
Tant qu’il y a une dictature sanglante pro-américaine en Corée du Sud, il était impensable que ce pays exprime un quelconque antiaméricanisme, le discours qui faisait du protecteur américain était un dogme imposé dans la torture et le sang. Mais les rancunes s’accumulaient et un monde syndical, une jeunesse ne supportant plus la tutelle oppressive qui était présenté comme non seulement le sauveur face à la Corée du Nord mais la puissance qui avait permis le développement économique. Ceux qui connaissent le cinéma coréen ne manquent pas d’être frappés par la dimension de classe toujours présente, mais aussi une interrogation sur les valeurs traditionnelles détruites par le consumérisme importé de l’occident à travers l’essor impulsé de l’extérieur. Si l’on ajoute à ce sentiment national déjà spécifique celui de la relation avec la Corée du Nord qui n’a rien à voir avec nos caricatures, on se dit que ce type d’alliance avec l’occident n’est pas l’allégeance qui peut apparaître au niveau des gouvernements conservateurs en particulier.
Après que le régime de Yi Seung-man (Syngman Rhee) eut été renversé par le mouvement pro-démocratique d’avril 1960, en février de l’année suivante un mouvement estudiantin mena une campagne nationale pour s’opposer à l’accord économique américano-sud-coréen qui pouvait à leurs yeux empêcher le gouvernement sud-coréen d’élaborer sa propre politique économique et industrielle, c’était un premier signe encore isolé et qui comme tous les mouvements qui ont suivi ont été réprimés.
Dans l’ère Park Chung-hee, du moment où celui-ci prit le pouvoir par un coup d’État le 16 mai 1961 jusqu’à son assassinat le 26 octobre 1979, la situation ne changea pas vraiment : les expressions d’antiaméricanisme étaient bannies et taxées de séditieuses ; ceux qui osaient s’exprimer dans ce sens passaient pour gauchistes et pro-Nord, donc passibles à ce titre de sanctions en vertu de la Loi de sécurité nationale. Après l’assassinat de Park Chung-hee, le gouvernement sud-coréen fut pris dans une pression politique qui n’a jamais cessé. A chaque fois, un régime autoritaire depuis 1979 a tenté d’endiguer la protestation populaire et la manière dont elle dénonce les inégalités de classe du développement ; ainsi il y eut l’épisode de la tentative du coup d’Etat du général Chun Doo-hwan sous le prétexte de stabiliser le pays, à chaque fois la revendication démocratique, la dénonciation de l’autoritarisme et les revendication sociales lancent des milliers d’étudiants et de travailleurs dans les rues quitte à subir des massacres comme celui de Gwangju avec la reprise en main par l’armée avec des centaines de victimes. Cette répression qui de fait était attribuée à la volonté des USA d’empêcher la Corée du Sud de choisir son propre destin, il semble avéré qu’ils ont autorisé la 20e division de l’armée sud-coréenne à prendre le contrôle de Gwangju qui avait été provisoirement repris par les étudiants. Dans un tel contexte, l’alliance entre l’oppression, l’exploitation et la tutelle américaine jouait de plus en plus un rôle nationaliste et anti-américain. Les films coréens et le cinéma coréen est un grand cinéma illustre ce sentiment composite. Dans les années 1980, des centres culturels américain furent brûlés (et ce plus d’une fois à Gwangju) et des étudiants s’immolèrent par le feu pour protester contre le soutien de Reagan à Chun.
Dans les années 1990, alors qu’après la chute de l’URSS, le monde paraissait accablé, il y eut trois mouvement d’envergure internationale, celui de France, celui des Chiapas et celui de Corée du sud avec une forte composante ouvrière. Mais l’anti-américanisme continuait à monter et les conditions réelles de l’intervention américaine durant la guerre de Corée dans les années cinquante étaient dénoncées en s’appuyant sur de nouveaux témoignages historiques. Grace à des travaux intellectuels on découvrait qu’en juillet 1950, donc au début de la guerre de Corée, les forces américaines avaient ouvert le feu sur un groupe de Sud-Coréens réfugiés le long d’une ligne de chemin de fer au village de No Gun Ri dans la province du Chungcheong-Nord : quelque 400 civils, surtout des femmes et des enfants, furent tués parce que les Américains faisaient bon marché de la vie des Coréens qu’ils soient du nord ou du sud. Cela déboucha sur des manifestations exigeant des réparations, l’affaire prit encore plus d’ampleur en 1999, Clinton s’excusa du bout des lèvres et une enquête bâclée aboutit à l’idée qu’il n’y avait pas eu volonté délibérée des troupes américaines. Ce qui n’améliora pas le sentiment populaire majoritaire. Pendant les années 2000, il y eut un président progressiste le président Kim Dae-jung qui initia une politique très populaire celle du “rayon de soleil” qui donna la priorité à la réconciliation, ce qui ne faisait pas l’affaire des Américains et des forces conservatrices. Un des principaux résultats de la politique du « rayon de soleil » fut le sommet intercoréen de juin 2000 qui se tint dans la capitale nord-coréenne entre les deux leaders de la péninsule divisée. Ce sommet modifia particulièrement la perception sud-coréenne des relations intercoréennes et de la Corée du Nord en général qui passait d’« ennemi » à « frère dans le besoin ». Mais si on ne percevait plus la Corée du Nord comme une ennemi, la présence américaine sur le sol coréen était inutile et la tension devint forte entre le président Georges Bush et le leader coréen. Bush ce crétin proclamait hautement détester le leader nord-coréen Kim Jong-il mais pour faire bonne mesure il désigna publiquement le chef d’Etat sud-coréen non par le titre de président mais par le vocable peu amène de “cet homme-là” qui refusait d’adopter ses antipathies. Bush d’ailleurs avait inclus la Corée du nord dans l’axe du mal avec l’Iran et l’Irak, ce qui n’était pas un bon signe. Ce qu’il faut comprendre c’est que le pays ermite qu’est la Corée qu’elle soit du nord ou du sud est très marquée non seulement par le communisme mais aussi par le confucianisme, le respect des rites et le contact avec l’occident, en particulier avec les Américains et leur “civilisation” disons brutale dès les premiers contacts a été plus encore que la Chine marqué d’ambivalences suspicieuses. Si l’Etat nord coréen a développé une colère méprisante face au traitement subi, l’état sud coréen et le peuple sud-coréen vit des exaspérations humiliées outre le soutien à des régimes dictatoriaux peu populaires. Il suffit d’un incident comme celui de la mort accidentelle de deux collégiennes à cause d’un blindé nord américain. Le fait que cela se passait dans un match très important disputé avec le Portugal atténua un peu le choc, mais sitôt le match passé et comme il s’avérait que l’armée américaine ne voulait pas que le gouvernement coréen juge ses soldats, sa cours martiale les acquitta, la coupe était pleine, la colère grandit et une fois de plus souleva la classe ouvrière et les campus étudiants qui jugèrent qu’il était temps de revoir les conditions de l’occupation des USA. Un certain nombre de citoyens commencèrent à se rassembler chaque week-end sur la place Gwanghwamun près de l’ambassade des États-Unis afin d’y réclamer des excuses publiques du Président Bush pour la mort des deux jeunes filles, ainsi qu’une révision du SOFA abolissant l’immunité des soldats américains ayant commis des crimes contre des Coréens et l’établissement de relations d’égal à égal entre les États-Unis et la Corée. Les Coréens vivaient une véritable et tragique humiliation dont les USA ne prirent absolument pas la mesure. Pour toute réponse, Bush adressa par l’intermédiaire de l’ambassade des États-Unis à Séoul un message exprimant sa « tristesse et ses regrets », mais ces « excuses » – telles que rapportées par les journaux coréens – furent jugées insuffisantes. On se mit à organiser des boycotts de produits américains sur Internet et des commémorations aux chandelles regroupèrent un nombre grandissant de Coréens. Le 13 décembre 2002, six mois après l’incident, plus de 300 000 citoyens pleurèrent la mort des jeunes filles dans 57 endroits aux quatre coins du pays.
Les Etats-Unis firent tout pour en finir avec le gouvernement progressiste à l’aide des forces conservatrices et de sectes. En particulier une organisation religieuse fondée en Corée du Sud en 1954 par Sun Myung Moon (également connu sous le nom de Révérend Moon). Celui-ci né en Corée du nord passe du confucianisme au christianisme en prétendant avoir reçu de Jésus lui-même la double mission d’améliorer et compléter l’œuvre du christ et d’établir le royaume de Dieu sur la terre. L’empire financier de Moon est tentaculaire. Estimé à deux milliards de dollars américains, il comprend notamment des hôtels, usines, mines, maisons d’édition et même des stations de ski. Il suscite des controverses, car l’argent proviendrait essentiellement du travail et des dons des membres de son église, endoctrinés grâce à un « lavage de cerveau » qu’ils auraient subi et grâce à un affairisme peu scrupuleux. Récemment au Japon on sait qu’un ancien premier ministre a été assassiné par un fils ruiné par les dons de sa mère à la secte et une fois de plus on a perçu les liens entre les milieux conservateurs. Aujourd’hui encore, les membres de l’Église de l’Unification versent le dixième de leurs revenus (dîme) au mouvement, un montant estimé à plus de 50 millions de dollars par an dans le monde, en 1989, selon le Canard Enchaîné. En ce qui concerne les Etats-Unis le paradoxe est que l’homme a été condamné pour fraude fiscale mais qu’il est protégé par la famille Bush. Le fait est que l’essentiel de son activité est anticommuniste.
Le candidat du Grand Parti national (Hannara-dang) conservateur, Lee Myung-bak, remporta les élections présidentielles le 19 décembre 2007. Peu de temps après son entrée en fonction le 25 février 2008 son parti s’assurait une large victoire aux élections législatives. Les 100 premiers jours de cet administration conservatrice ont été marqués par une série de mesures qui soulèvent la colère populaire – rendre le système éducatif plus conservateur, déclencher une vague de privatisations, lancer plusieurs projets de construction menaçant l’environnement – qui poussèrent les citoyens à se mobiliser. En fait, ces changements radicaux furent annoncés indépendamment de tout consensus social, ce qui allait du même coup nourrir le ressentiment chez les gens ; le slogan courant à l’époque « 100 jours qui semblent 100 années » illustre ce que pensait l’opinion publique du style de management de Lee. C’est dans ce contexte que Lee Myung-bak allait décider unilatéralement le 18 avril 2008 à Camp David avec le Président Bush de lever l’embargo sur la viande de bœuf américain décrété en décembre 2003 à la suite d’une alerte à la maladie de la vache folle par le gouvernement précédent. Cette décision d’ouvrir le marché coréen du bœuf était destinée à faciliter l’approbation de l’accord de libre-échange entre la Corée et les États-Unis (KORUS FTA) et à renforcer les relations avec les États-Unis.
Tous les gouvernements étaient restés fermes sur cette question des règles d’importation, l’accord passé sans que cela soit discuté, spécifiait même que le gouvernement coréen ne pouvait pas décider de manière unilatérale d’arrêter l’importation de bœuf américain même en cas de découverte d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Une vague de protestation se déclencha dans laquelle syndicats, associations, alimentèrent le débat en faisant une critique en règle des méthodes d’élevage nord américaines. Une fois encore ce furent les jeunes mêmes les écoliers qui se mobilisèrent, des familles entières venaient dire leur mécontentement en participant à la fête, mais l’intervention de la police, sa brutalité, l’utilisation des matraques et canons à eau interdits. Cela se passait en mai et juin 2008, et si le mouvement n’obtint pas la fin de l’importation de bœuf, il déboucha sur la naissance d’une information qui commença à mettre en cause la nature conservatrice du régime inféodé aux USA.
En 2002, des stars du pop chantèrent sur des thèmes antiaméricains. Des magasins affichèrent en devanture des messages selon lesquels les Américains n’étaient pas les bienvenus. Si les mouvements étaient relativement modérés quant à l’occupation nord américaine, et désignait beaucoup plus les dirigeants conservateurs, il y eut des actions beaucoup plus radicales à la marge. Certaines bases furent attaquées par des citoyens armés de pierres ; un prédicateur néo-zélandais fut attaqué parce pris par erreur pour un Américain ; un soldat américain en permission fut poignardé. Nous avons à la fois la naissance d’un mouvement réformiste de la jeunesse urbaine mais aussi la force syndicale et ouvrière, le tout dans une ambivalence encore renforcée par le rapport avec la Corée du Nord, une nation qui se joue entre ces pôles contradictoires.
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