De quelle guerre parlons-nous, M. le président ?
Deux semaines après le début d’un difficile mais nécessaire confinement, les interrogations se multiplient sur les causes et conséquences d’un désastre sanitaire au long cours. S’il était suivi, l’appel à « l’union sacrée » permettrait de faire silence sur les responsabilités et imprévoyances dans la crise actuelle et, plus encore, sur les suites que le pouvoir compte lui donner.
Certes, endiguer une telle pandémie n’est pas chose facile. Mais de pressantes questions demeurent. La guerre que prétend mener le président vise-t-elle à lutter contre l’austérité qui a conduit l’hôpital public à l’asphyxie, au cruel manque de masques, de tests, et de lits pour les assistances respiratoires ? Une guerre contre les doctes technocrates qui ont sabré la recherche publique, une guerre contre le système financier qui montre une nouvelle fois sa nocivité et son incapacité à agir dans le sens de l’intérêt général ? Et, que dire de cette Cours des comptes invitant à intervalles réguliers à sabrer dans les services publics.
Les décisions et ambiguïtés gouvernementales plaident plutôt en faveur de la poursuite d’une guerre économique à l’intensité rehaussée pour garantir les intérêts du système capitaliste et de ceux qui le servent. Les valses hésitations du pouvoir sur l’attitude à adopter trahissent son dilemme : comment garantir les intérêts du capital national tout en évitant une catastrophe sanitaire ? L’équation n’est pas simple à résoudre et ce nouvel « en même temps », se fracasse sur la réalité des inégalités. Car les travailleurs, majoritairement ouvriers et employés n’ont aucun intérêt à monter au front d’une guerre qui n’aurait dès lors plus rien de sanitaire, mais viserait à préserver le taux de profit des grandes entreprises plongées dans le bain de la concurrence internationale.
L’Italie qui devance la France de quelques jours dans la tragédie a pris la décision, après des mouvements de grève spontanés, d’arrêter toute activité « non indispensable ». Ce choix courageux risque de plonger la péninsule dans une crise économique redoublée si l’Union européenne persiste à rester la gardienne des absurdes dogmes libéraux. Et si le peuple italien venait à être sacrifié à l’autel de la stabilité monétaire, les institutions européennes commettraient un irréparable forfait.
Dès aujourd’hui, l’utilisation des fonds débloqués par la Banque centrale européenne doit être contrôlée par les élus et par les travailleurs. Ce n’est ni aux banques ni aux fonds financiers de décider. Ce sont les travailleurs qui sont au front. Ils doivent avoir voix au chapitre.
Comme souvent lors de crises de cette ampleur, se dessine en traits saillants l’affrontement entre le travail et le capital. Ces moments appellent à la vigilance et à la mobilisation, car ils sont précisément ceux où les classes possédantes cherchent à renforcer leurs positions.
C’est ainsi que gouvernement institue une état d’urgence sociale et sanitaire qui, entre autre mesures, déroge au code du travail pour donner plein pouvoir aux employeurs sans durée limitée. Ces derniers pourront à loisir imposer aux salariés des jours de RTT et des semaines de travail bien supérieures aux 35h légales.
Les nombreuses fois où les classes possédantes ont failli dans l’histoire de France, les travailleurs ont toujours su consentir à des efforts colossaux. Mais au prix d’une contrepartie qui posait les termes d’un compromis en faveur du monde du travail. Le gouvernement n’y semble pas prêt. La logique voudrait pourtant qu’après cette crise, il renonce définitivement à la casse du système de retraite, de l‘assurance chômage et aux coups de canifs contre la Sécurité sociale et les services publics.
Les travailleurs répondront, comme ils ont toujours su le faire, au redressement du pays. Mais ils refuseront d’être les variables d’ajustement de la guerre économique. Ce moment de crise est aussi moment de vérité. Il doit pousser à l’audace les forces de transformation pour émanciper le peuple et les travailleurs des logiques terrifiantes qui les assaillent.
Editorial de.
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