Parfois on a l’impression que le seul qui a conservé le bon sens communiste est Fabien Roussel dont les interventions dans les médias et aux côtés des travailleurs en lutte tranchent sur les foires d’empoigne électoralistes que certains essaient de créer. Mais fort heureusement il n’est pas seul à agir ainsi et ce que je constate c’est que partout des communistes, et ce sont souvent des jeunes épaulés par des anciens qui n’ont pas renoncé à leur parti qui agissent et préparent un renouveau de la vie politique française, accumulent des forces. (note de Danielle Bleitrach)
Publié le 30/01/2021 à 06:25 | Mis à jour le 30/01/2021 à 12:12
Né à Tours en 1920, le Parti communiste français célèbre son centenaire dans la combativité et prépare la présidentielle. Inventaire avec Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et invité du samedi de La Nouvelle République.
– Le Parti communiste français, né à Tours fin décembre 1920, a dû célébrer son centenaire en catimini. Le sens de l’histoire vous file entre les doigts, vous aussi.
« En tout cas, c’est frustrant. Nous n’avons clairement pas pu engager ce que nous avions envisagé. Mais nous ne pouvions pas laisser passer cet anniversaire dont l’intérêt dépasse les rangs du Parti et de la gauche sans rien faire. Nous avons donc pris… le parti (sourire) de démultiplier l’événement en organisant des expositions et des rencontres thématiques locales. Il s’agit de rendez-vous en petits comités et sous strict contrôle sanitaire. Notre siège, place du Colonel-Fabien, a accueilli dans ce cadre une belle expo revenant sur un siècle d’affiches. Un film en fait la synthèse. Mais l’histoire du Parti c’est aussi l’engagement des artistes à ses côtés et non les moindres. Nous avons consacré une exposition à ce compagnonnage en réunissant quelques-unes des œuvres qui lui ont été offertes. Elles illustrent des périodes, des moments et des combats. Pour des motifs techniques liés à leur conservation, elles sont en dépôt dans de grands musées, mais elles demeurent la propriété collective du Parti. Je pense par exemple à la Joconde de Marcel Duchamp (1919), exposée à Beaubourg. C’est un cadeau d’Aragon. »
– Cent ans, c’est un fardeau ou une chance ?
« C’est une richesse, incontestablement. Et une promesse aussi. On nous oppose notre grand âge, il ne nous a pas rendus sages face au monde qui nous entoure. Changez de logiciel, nous enjoignent quelques-uns, adaptez-vous, il est grand temps ! Je retourne la proposition. Le monde a-t-il changé en mieux ? L’économie s’est-elle adaptée et ajustée au bonheur des hommes ? C’est tout le contraire. Le choc du capital contre le travail n’a jamais été plus violent qu’aujourd’hui. Voyez Michelin qui, d’un clic, efface 2.300 emplois en France sur les trois prochaines années. Objectif ? Rentabilité ! Le même Michelin poursuit ses investissements en Asie et en Chine où la main-d’œuvre est moins chère. C’est le capitalisme à la papa, il n’a pas varié depuis un siècle. Eh bien nous non plus ! »
– La pandémie a accéléré la redistribution des cartes.
« Elle a bon dos. En réalité, elle n’a pas été préjudiciable au manufacturier français. Cette décision, dans ce contexte si particulier, est un crime social. On ne saigne pas son pays ainsi. J’ajoute que cette course au profit est une atteinte inexcusable à la planète. Vous vous représentez le bilan carbone d’un pneu Michelin chinois arrivé par cargo à Rotterdam ? Chômage plus trous dans la couche d’ozone : bravo ! Je considère que ce monde-là est derrière nous. Il est vieux, dépassé par les exigences climatiques et sociales. Le chômage annoncé n’est pas une fatalité et nous pensons au contraire que le rapatriement de la production en France est une voie incontournable. »
– Vous n’êtes pas les seuls. Tout le monde le dit, peu ou prou. Et d’abord le Rassemblement national qui use des mêmes mots que vous.
« Mais pas des mêmes arguments. Les lepénistes ne portent pas le patriotisme économique au même endroit que les communistes. Leur prisme unique de lecture c’est l’Étranger, l’Autre, l’Émigré. Ils ont décidé d’en faire le responsable de tous nos maux. Mais les décisions prises chez Michelin ou son concurrent Bridgestone résultent de financiers. Nous avons perdu 850.000 emplois l’an passé et nous avons un million de pauvres officiels. Qu’est-ce que l’Étranger a à voir dans tout cela ? Vous savez, les lepénistes je les côtoie dans ma circonscription du Pas-de-Calais, mais je ne les vois jamais aux portes des usines. Nous, nous défendons la souveraineté économique et nous voulons reprendre le pouvoir sur l’outil de production. C’est aussi simple et clair que cela. »
– La réappropriation de notre souveraineté sera l’un des mots-clés de vos campagnes à venir ? Comment le Parti communiste va les aborder ?
« D’abord, je voudrais vous dire que je vois arriver le changement. Nous avons des capteurs partout. Dans les entreprises et les services publics que l’on a abîmés. Ils nous alertent sur la réalité du pays. Les tremblements et les hésitations de la vaccination, l’échec des masques appellent le rétablissement d’une autorité politique. On ne peut plus piloter à distance avec des cabinets d’experts, ni diriger par le biais de comités citoyens. Nous disposons d’élus partout, sur le terrain ou au Parlement, légitimés par le suffrage universel. C’est leur mandat de diriger au nom du plus grand nombre. »
– Le Parti reste cette armée engagée dans toutes les batailles du quotidien, comme après la Libération ?
« Il en est l’héritier, mais surtout le continuateur. Nous affichons 50.000 adhérents à jour de leur cotisation, 660 maires de communes de toutes tailles, villages, villes et agglos qui sont les sentinelles de la République. Nous sentons battre le cœur du pays. S’y ajoutent deux groupes parlementaires au palais Bourbon et au Sénat. Sur ces éléments, la Commission de contrôle des partis politiques nous considère comme la première force politique de France. Cela structure notre action immédiate et au long cours. »
– Et vous arme face à toutes les échéances électorales ? 2022 arrive. Le Parti communiste aura un candidat à la présidentielle ?
« Nous en débattrons les 10 et 11 avril lors de notre conférence nationale. Ce qui importe c’est le programme. L’environnement y a désormais une place déterminante. À titre personnel, je suis favorable à une candidature communiste pour le premier tour. Il faut une personnalité fédératrice qui porte les espoirs du monde du travail, à la ville comme aux champs, dans les services publics, les usines, l’univers de la création. Beaucoup ne votent plus. Pour qu’il y ait un candidat de rassemblement au second tour, nous devons être tous être plus forts dès le premier. »
– Jean-Luc Mélenchon pense être celui-là. Il est parti le premier, sans beaucoup de troupes ni de munitions. Il compte sur les vôtres ?
« Il a démarré un peu vite, mais nous allons nous parler. Aujourd’hui, il nous propose de le soutenir. Rien n’est écarté mais nous devons inclure les législatives dans le marché. Jean-Luc Mélenchon doit comprendre cela. Nous ne sommes ni concurrents, ni adversaires, mais ses choix ne nous freineront pas dans nos décisions. »
Bio express
Fabien Roussel est né à Béthune (Pas-de-Calais) en 1969. Ses parents sont militants communistes. Lui-même rallie le Parti dès le lycée. Son père, Daniel, se reconvertit et rejoint la rédaction de L’Humanité.
Diplômé du Centre de perfectionnement des journalistes à Paris, Fabien Roussel intègre France 3 comme journaliste reporteur d’images dans les Ardennes.
Conseiller de Michelle Demessine, secrétaire d’État au Tourisme en 1997 (gouvernement Jospin), il poursuit son apprentissage des responsabilités politiques auprès d’Alain Bocquet, élu du Nord et président du groupe communiste à l’Assemblée nationale.
Sous son parrainage, il entre au conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux (Nord) et lui succède à l’Assemblée, se faisant élire député de la 20e circonscription du Nord en 2017.
Fin novembre 2018, Fabien Roussel est élu secrétaire national du Parti communiste à la suite de Pierre Laurent.
Pour le PCF, l’ennemi reste et demeure la finance
« L’argent magique n’existe pas » et c’est un communiste qui vous l’assure. Fabien Roussel cautionne sur le principe, bien entendu, le soutien apporté aux secteurs en difficultés depuis le début de la crise sanitaire. Mais l’élu s’inquiète du volume des capitaux engagés. « Trop d’argent public sur la table. C’est le nôtre, celui des Français. Pendant ce temps, les grandes fortunes poursuivent leur enrichissement, tranquillement. Elles pèsent aujourd’hui, pour le groupe de tête, 700 milliards d’euros. Le chiffre double tous les dix ans. » L’ennemi reste et demeure la finance et ses auxiliaires. Les banques et les sociétés d’assurance ont déserté le champ de bataille, observe le député du Nord. « Les maires de ma circonscription ne peuvent plus souscrire d’emprunts, ils se font éconduire. La première mesure à prendre serait de taxer les 20 milliards de capitalisation de l’assurance. Même Sarkozy l’a fait. Mais le courage politique manque. »