INÉGALITÉS. DERRIÈRE LES DISCOURS SUR L’ASSISTANAT, UNE FRANCE FAVORISÉE QUI DÉFEND SES PRIVILÈGES
Les écarts de richesse continuent de se creuser en France, relève le nouveau rapport de l’Observatoire des inégalités, publié aujourd’hui. Le haut de l’échelle est de plus en plus favorisé, notamment en matière fiscale et scolaire, alors que les catégories populaires sont heurtées par la précarité. Tendance renforcée depuis l’arrivée du président Macron.
C’est un bilan sévère que dresse l’Observatoire des inégalités (OI) dans son troisième rapport annuel sur les inégalités en France. Certes, ces dernières n’explosent pas. Notre système de redistribution, le fameux « pognon de dingue » dénoncé par le président Macron, offre encore un filet de sécurité aux plus pauvres et permet à la France d’être, au niveau européen, un élève moyen en matière d’écart entre les riches et les pauvres. Pour autant, le paysage est loin d’être satisfaisant. Même après les impôts dont ils se plaignent, les catégories les plus aisées – les 10 % les plus riches – continuent d’accumuler les avantages. Bons salaires, conditions de vie favorables, accès aux meilleures formations : leurs capitaux financier et culturel les protègent de l’insécurité sociale.
Les classes défavorisées et, de plus en plus, les classes moyennes sont, elles, soumises à une précarisation croissante. Leur vie, et surtout celles de leurs enfants, qui entrent sur le marché du travail, se caractérise par l’insécurité sociale. « Le mouvement des gilets jaunes est un signe d’impatience des classes populaires et moyennes, prévient Louis Maurin, directeur de l’OI. À trop tirer sur la corde des privilèges tout en faisant miroiter l’“égalité pour tous”, le risque est énorme que cet état de fait n’entraîne des mouvements de contestation de grande ampleur et que d’autres forces, bien plus conservatrices, prennent les choses en main, comme c’est le cas dans un nombre croissant de pays occidentaux. »
1 des écarts en hausse, freinés par la redistribution sociale
La France évite le pire. Son système social permet encore de limiter l’explosion des inégalités. « La répartition des revenus en France est très inégalitaire, mais elle est en partie compensée par la redistribution et, au bout du compte, avec l’accès aux services publics, nous nous situons au milieu du classement par rapport à nos partenaires européens », analyse Louis Maurin. Sur la période 2012-2016, les écarts de niveau de vie (après impôts et prestations sociales) se sont stabilisés. Ça n’empêche pas le revenu moyen des 10 % les plus riches d’être 6,7 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Surtout, la stabilisation récente ne modifie pas la tendance à long terme. « Jusque dans les années 1990, les revenus des pauvres et des riches avaient tendance à se rapprocher. Désormais, ils s’éloignent. Les hiérarchies se renforcent », note l’OI. Les chiffres de l’Insee s’arrêtent en 2016. Pour la période écoulée du quinquennat Macron, Louis Maurin parie sur une stabilité des écarts. « Les premières décisions politiques ont été très favorables aux riches avec les réductions fiscales. Mais il y a eu des mesures de compensation obtenues par les gilets jaunes, comme l’augmentation de la prime d’activité et de l’allocation adulte handicapé. Surtout, la baisse du chômage, amorcée sous François Hollande, devrait limiter l’accroissement du fossé entre les riches et les pauvres. »
2Des riches qui cumulent les avantages
Signe de cette inversion de tendance, la pauvreté, sans avoir explosé, est repartie à la hausse depuis les années 1990. Entre 2006 et 2016, le nombre de personnes pauvres (dont les revenus sont inférieurs à 855 euros mensuels pour une personne seule et à 1 796 euros pour un couple avec deux enfants) a augmenté de 630 000, pour atteindre 5 millions, dont 1,1 million qui travaillent. Reste que, avec ces chiffres, « la France est un des pays d’Europe où le taux de pauvreté est parmi les plus faibles ». Surtout, on y reste moins longtemps dans la pauvreté qu’ailleurs. Un tiers des pauvres en 2015 l’avaient été deux années de suite. Ils sont la moitié dans ce cas à l’échelle européenne et jusqu’à 60 % dans des pays du Sud ou de l’Est.
« La France de tout en haut va très bien. Elle a, certes, subi en 2011 et 2012 une nette baisse de son niveau de vie du fait notamment de la hausse des prélèvements. Elle s’est cependant vite ressaisie et a obtenu de la nouvelle majorité de 2017 le jackpot, avec la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune et, surtout, le passage à un impôt forfaitaire sur les revenus financiers », rappelle Louis Maurin. Pour les 10 % les plus riches, même s’il y a une grande différence d’un bout à l’autre de l’échelle, les avantages se cumulent. À eux seuls, ils perçoivent 25 % de la masse des salaires de toute la population et possèdent la moitié de l’ensemble du patrimoine national. En vingt ans, leur niveau de vie annuel a progressé de 11 300 euros, pour atteindre 56 000 euros. De quoi se projeter dans l’avenir et mettre leurs enfants à l’abri. Moins touchés par le chômage (3,3 % des cadres supérieurs en 2017, contre 18,4 % des ouvriers qualifiés), ils exercent aussi des professions moins flexibles, moins dangereuses et sont en meilleure santé. La perpétuation de leur avantage est sanctuarisée par un système scolaire basé sur la notation, la mémorisation et la culture générale, qui avantage leurs enfants. « L’“élitisme républicain” de notre système éducatif est un élitisme social déguisé », résume Louis Maurin. Les écarts entre enfants des catégories sociales apparaissent dès les petites classes. Ils s’accroissent au fil des années, aboutissant à une surreprésentation des catégories sociales supérieures dans les filières générales (84,8 % d’entre elles accèdent en seconde générale et technologique, contre 42,4 % des catégories défavorisées) puis à l’université, où l’on retrouve seulement 12,2 % d’enfants d’ouvriers. Plus on monte dans la hiérarchie scolaire, plus la reproduction sociale est forte. Les conséquences de cette accumulation du capital culturel sont particulièrement graves dans un pays où le diplôme, survalorisé, est quasiment l’unique accès à l’emploi. Le taux de chômage des sans-diplôme s’élève à 18,3 % en 2017, contre 5,5 % pour les titulaires du niveau bac + 2.
3Les classes populaires fragilisées
Chômage, précarité, mais aussi renchérissement du coût des produits de première nécessité, à commencer par le logement… Les catégories populaires, mais aussi moyennes, sont gagnées par une « insécurité sociale » généralisée, constate le rapport. Entre les 2,8 millions de chômeurs, les 3,7 millions de précaires et le 1,6 million qui ont renoncé à chercher un emploi, l’OI compte plus de 8 millions de personnes affectées par la dégradation du marché du travail, sans compter la catégorie en pleine expansion des autoentrepreneurs. L’emploi précaire est passé de 4,8 % de l’emploi total en 1980 à 13,6 % en 2017. « Le mal-emploi ne frappe pas au hasard, rappelle l’OI, il concerne une population peu organisée collectivement, dont les intérêts sont mal représentés. » Les enfants des catégories populaires, sans diplôme et migrants sont les premiers concernés par les horaires flexibles, les emplois du temps imprévisibles et le travail physiquement pénible. « Une partie des représentants politiques qualifient les chômeurs d’assistés pour tenter de gagner les faveurs des catégories populaires, souvent précaires et mal rémunérées. Ils oublient, ce faisant, que chômeurs, précaires et travailleurs pauvres sont très souvent les mêmes personnes, principalement des ouvriers et employés non qualifiés », note l’OI. En bas de l’échelle se trouvent les immigrés. Plus au chômage que les autres (16,3 %, contre 8,6 % des personnes nées en France), plus mal logés, ils sont aussi plus pauvres (niveau de vie mensuel médian à 1 152 euros, contre 1 762 euros pour un ménage sans personne d’origine étrangère). Eux aussi sont pourtant désignés comme responsables de la dégradation de la situation sociale des catégories moyennes et populaires.
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