Intervention Frédéric Boccara Economiste pcf.
Intervention Frédéric Boccara
1- Nous visons une crise double (économique et sanitaire) et profonde, et au-delà une crise de civilisation et de sens. Elle développe les souffrances, et ceci dans une grande diversité de catégories sociales. Elle fait aussi monter une grande inquiétude envers l’avenir. Elle a montré l’importance du travail des travailleuses et travailleurs, l’importance des services publics, celle de l’émancipation et de la culture. On a pu percevoir aussi le grand obstacle à une maîtrise de notre destin constitué par le comportement des entreprises.
C’est en réalité la domination du capital et des critères de la rentabilité financière sur l’utilisation de l’argent et sur un grand nombre de décisions qu’il nous faut mettre en lumière.
Les gens, comme on dit, prennent des coups et ceux-ci vont s’intensifier lorsque la situation semblera s’atténuer du côté virus. Il n’y a qu’à voir la sortie du confinement précédent : +600.000 chômeurs d’un coup !
Alors, les luttes se cherchent et redressent la tête. C’est décisif. Mais la question des changements politiques est posée.
2- Je veux attirer l’attention sur les récentes prises de positions du FMI et du G20. Disons que le directoire du FMI constitue le conseil d’administration du capital pour le protéger et sauvegarder sa domination, y compris contre ses propres excès.
Deux ensembles de mesures ont été avancées :
- Débloquer une création monétaire de 650 Md$ de DTS, soit presque trois fois plus ( !) qu’en 2008, … et bien sûr sans conditions contre le grand capital. Cela montre la gravité de la crise, telle qu’anticipée et mesurée par les pouvoirs dominants.
- « Taxer les plus riches et les entreprises prospères », ainsi que le déclare Victor Gaspar. Que cela vienne du FMI vient montre les limites de ce type de proposition. Cela tend au rafistolage.
Dans le même temps, le FMI dit : soit protéger l’emploi comme en Europe, mais cela ne prépare pas l’avenir, soit licencier pour préparer l’avenir comme aux Etats-Unis. Outre le fait que le Sud et les émergents sont totalement absents de cette vision, il s’agit de déjouer cette opposition. Il y a besoin d’une véritable réponse pour sortir des difficultés. Notre projet de Sécurité d’emploi ou de formation le permet en dépassant cette opposition constitutive du capitalisme. Il s’agit de voir l’emploi et la créativité des travailleurs comme un levier de transformation. De s’attacher à sa sécurité. Pour cela il faut changer l’utilisation de l’argent, selon de tout autres critères, il faut conquérir des pouvoirs sur les entreprises et les banques, à la fois pouvoir des salariés et pouvoirs des habitants via leurs représentants. Il faut de nouvelles institutions !
L’aurions-nous déjà dit ? Peut-être entre nous, mais c’est totalement méconnu. Et puis surtout dans que notre société ces questions sont en train de mûrir comme jamais. Et notre peuple se heurte à ce qu’il perçoit comme des impasses. Nous nous pouvons l’aider à les lever.
3- L’enjeu majeur, c’est la crise, la réponse à celle-ci. Et donc comme on vient de le voir, nos réponses originales.
Nous voulons riposter et construire, avec des propositions précises et un projet.
Il ne suffit pas de dire « c’est le capitalisme », cela reste flou pour les gens. La question sur laquelle avancer est surtout : où on l’attrape ce « capitalisme » ? comment ? Et on fait quoi à la place ?
4- Car il y a aussi la crise à gauche.
Comme causes de cette crise, il y a les échecs de la gauche et la faillite-dilution d’une partie de celle-ci dans le social-libéralisme, jusqu’au néolibéralisme proprement dit. Mais il y a aussi les changements profonds de notre société.
Face à la perte de repère qu’il s’ensuit, nous devons mener le débat vis-à-vis de la droite et de l’extrême-droite, mais aussi, surtout avec les gens comme on dit. Et bien sûr avec la gauche, dans un esprit unitaire pour agir à la fois sur sa refondation et sur son rééquilibrage.
Quels repères ?
Le duel Macron-Le Pen veut imposer un débat « identitaire » et « national ». Pour déjouer leur duel, nous devons imposer le débat « social ». Non pas un débat social « général », qui risquerait de nous emmener vers l’accompagnement social et le rafistolage, mais un débat social qui monte aux enjeux des entreprises, avec l’utilisation de l’argent et la perspective de la SEF, et d’une émancipation nouvelle.
5- L’économie sera une question fondamentale de la campagne, car la domination du capital est au cœur de ce qui taraude notre société. Prendre « à bras le corps » ces questions pour se libérer de la domination du capital et de la prétendue dépolitisation de l’économie, dépolitisation qui masque en fait une forme de dictature de la rentabilité financière. D’autant plus mortifère qu’elle serait invisibilisée.
M. Le Pen nous dit : le problème, l’obstacle, c’est l’autre, le voisin. Il attise le racisme pour monter les exploités les uns contre les autres en attisant toutes les oppositions possibles pour conforter toutes les dominations et cacher l’exploitation.
E. Macron nous dit, lui, le problème, c’est le coût du travail. Et avec la crise, il a démultiplié sa baisse par sa prise en charge par l’Etat au service du capital et la précarité d’emploi comme de vie progresse.
Les sociaux-libéraux, avec leurs différences, insistent sur un capitalisme vert et sur le revenu d’existence, minima social qui ne dit pas son nom. Cette combinaison amplifierait les deux crises de notre société, sociale et écologique, en laissant de côté l’immense enjeu des entreprises, d’une autre production et donc d’inverser les logiques sur l’emploi et la formation comme levier décisif, comme ressource à développer, et non comme coût à réduire à tout prix.
Jean-Luc Mélenchon, sur cette question, majeure de l’emploi, met en avant la formule de « l’Etat employeur en dernier ressort » ; c’est l’idée que si les entreprises ne créent pas d’emploi, eh bien l’Etat embauchera ! C’est une déresponsabilisation profonde des entreprises, du patronat et du capital ! C’est évacuer les contenu d’une véritable révolution citoyenne et institutionnelle, indispensable, sur l’utilisation de l’argent.
Car, surtout, la grande question c’est de conquérir des pouvoirs des travailleurs et des habitants (société civile et élus) sur les entreprises et les banques pour une émancipation nouvelle, sociale, écologique et humaine. Pour cela nous avançons des propositions précises d’institutions nouvelles pour l’emploi, la formation, la transformation productive et sur l’utilisation de l’argent des banques, des entreprises (profits) et de l‘argent public.
6- Avancer dans ce débat fondamental sur les idées et leur cohérence permettrait de marquer l’élection présidentielle et donc
- L’intérêt de voter communiste aux élections législatives, pour conforter nos propositions
- Pour développer le mouvement populaire ensuite et une construction de lutte
C’est ainsi que je vois le pacte de législature, si le rapport des forces le permet.
C’est pourquoi :
- Il nous faut partir tôt, car la bataille d’idées est âpre pour réussir « marquer »
- Il mener le débat sur la base de notre projet. Ke me félicite que cette formulation ait fini par être intégrée hier soir en commission du texte, et je retire donc l’amendement que j’ai déposé avec Evelyne Ternant.
- Cela veut dire, ne pas réactiver les collectifs anti-libéraux. Il ne faut pas de faille qui rendrait plus ou moins amovible la candidature communiste, au contraire de ce que proposent, même si c’est de différentes façons, l’amendement de Pierre laurent et celui de Isabelle De Almeida.
- Enfin, il va nous falloir un effort collectif militant et de direction sur les idées et pour une organisation politique de la campagne, son suivi et son animation collective en lien avec nos apports originaux et avec le terrain.
A découvrir aussi
- [CORONAVIRUS] EN ESPAGNE, LA MINISTRE COMMUNISTE DU TRAVAIL ANNONCE L'INTERDICTION DES LICENCIEMENTS
- MARTINIQUE : L'ARRIVÉE IMMINENTE DES MÉDECINS CUBAINS
- Appel-présidentielle-entrer-dans-la-bataille-avec-toutes-notre-originalite-communistes