La gauche au défi de l’exemple marseillais
Editorial du « Monde ». Qui aurait parié, voici juste un an, sur l’avenir politique de ce « rassemblement inédit » lancé, à Marseille, par 51 personnalités rêvant d’« une ville égalitaire, solidaire et accueillante (…), qui abolit tout clientélisme » ? Et, pourtant, Michèle Rubirola, la chef de file de cet improbable collectif, construit en marge des partis politiques par des militants investis dans des combats locaux, a été élue maire de Marseille, samedi 4 juillet. Historique, sa victoire hisse une femme pour la première fois à la tête de la cité phocéenne. Emblématique, elle donne à la gauche la deuxième ville de France. Symbolique, elle rompt avec vingt-cinq années de gestion par la droite de Jean-Claude Gaudin, après plus de trois décennies de règne du socialiste Gaston Defferre. Soit, au total, plus d’un demi-siècle de clientélisme marqué par le déclin de Marseille, seulement interrompu par la parenthèse Vigouroux.
Michèle Rubirola doit sa nette victoire, avec 13 000 voix d’avance, à un alignement favorable de planètes : l’exaspération de la population face à la gestion calamiteuse de M. Gaudin, une guerre au sein de la droite déclenchée par un vieux maire qui refuse tout successeur, l’indignation suscitée par l’effondrement des immeubles vétustes de la rue d’Aubagne, qui a causé la mort de 8 personnes en 2018.
Pourtant, l’élection d’une médecin de 63 ans, militante écologiste de longue date – depuis le Larzac –, mais jusqu’à ces derniers mois inconnue du grand public, ne doit rien au hasard. Cette réanimation d’une gauche marseillaise à bout de souffle a été mûrement pensée et s’est appuyée sur des collectifs de citoyens, comme celui né après la catastrophe de la rue d’Aubagne, ou celui qui a fait casser par la justice le plan de rénovation des écoles, désastreux pour les finances publiques, lancé par Jean-Claude Gaudin dans le cadre d’un partenariat public-privé.
A côté des partis
Cette « gauche plurielle » marseillaise de 2020 s’est donc construite, non pas à partir des partis, comme celle qui avait porté Lionel Jospin au pouvoir en 1997, mais à côté de, pour ne pas dire malgré, certains d’entre eux. Michèle Rubirola a été suspendue d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour ne pas s’être rangée derrière une candidature autonome. De même, l’« insoumise » Sophie Camard a bravé la consigne de M. Mélenchon pour se présenter – et être élue – sous la bannière du Printemps marseillais.
Tenant compte de l’effet repoussoir des étiquettes partisanes, encore renforcé par le climat politique déliquescent de Marseille, des élus socialistes, « insoumis », Verts et communistes se sont associés à des militants non encartés et ont su dépasser les querelles d’ego et les stratégies dictées d’en haut afin de répondre à l’état d’urgence de la ville, attirant même de nombreux déçus du président Macron.
Ce succès, relativisé par un très fort taux d’abstention – 68 % au premier tour et 65 % au second –, fait-il de Marseille un laboratoire pour la gauche et ses ambitions nationales avant 2022 ? Pas certain, si l’on considère les nombreux paramètres spécifiquement marseillais de cette élection municipale, le caractère quasi incontournable des partis à l’échelle nationale, et surtout l’inévitable personnalisation de la course présidentielle dans la Ve République. Le scénario réussi d’une reconstruction à travers les fréquentes mobilisations de la société civile d’une gauche pulvérisée par Emmanuel Macron devrait pourtant faire réfléchir les écologistes et une partie de la gauche, au moment où la constitution d’écuries présidentielles absorbe de nouveau toutes les énergies.
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