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Je suis né en juillet 1936. C'était en plein front populaire. A cette époque, l'histoire m'a enseigné que certains criaient : « plutôt Hitler que le Front populaire ! » pendant que d'autres traquaient « les métèques ».

Aujourd'hui, presque 90 ans plus tard, j'ai le sentiment que les mêmes démons sont toujours aussi vivants ou tout au moins ressurgissent partout dans le monde et notamment en Europe.

Dans notre pays, si on en croit les sondages, beaucoup de français ont une bonne opinion du Rassemblement National et ne cachent plus leur préférence politique, pour ce mouvement.

Faut-il se résigner à cette évolution de l'opinion ? Est-elle inexorable ? Comment la combattre ?

Je discute souvent avec des interlocuteurs qui sont contaminés par cette idéologie néo-fasciste.

Certains sont mes anciens élèves de la classe du certificat d'études des années 60 et m'ont souvent soutenu à la tête de la municipalité de Miramas.

Ce sont toujours de braves gens, aujourd'hui retraités, qui n'ont rien à voir avec l'image caricature du « facho » dangereux et prêt à n'importe quoi.

Je ne suis plus en situation de leur « infliger » des leçons de morale. J'essaie seulement de comprendre les raisons de leur comportement pour tenter de trouver la réponse la mieux appropriée. Je connaissais leurs parents qui, à l'époque, votaient communiste.

Mes interlocuteurs sont sensibles au problème de l'immigration et à la menace de perversion de la nature de notre civilisation judéo-chrétienne. Le RN a réussi à leur mettre dans la tête qu'il y a un lien entre immigration, délinquance et diverses fraudes aux prestations sociales et que nous sommes trop laxistes ou compréhensifs à leur égard. Ils se sentent laissés pour compte au profit des étrangers.

J'en arrive à penser que, toute leur vie, ils ont eu conscience de n'avoir pas été parmi les plus privilégiés, d'avoir été considérés comme des citoyens de seconde zone.

En adhérant à l'idéologie du Rassemblement National, ils ont l'impression de prendre une sorte de revanche sur leur passé. Ils retrouvent une sorte de dignité en ayant le sentiment de reprendre leur place dans la société et une certaine fierté en s'opposant à celles et ceux qui sont identifiés comme les responsables de leur situation et de leurs difficultés.

La lutte contre les étrangers c'est leur lutte des classes. Il y a sûrement d'autres ressorts à leur engagement.

Il ne sert à rien de culpabiliser ceux qui soutiennent le RN. De la même façon, il est impossible d'ébranler leur conviction en leur rappelant que le RN est viscéralement opposé à toute amélioration sociale, notamment l'augmentation du SMIC et des salaires. Ni de leur expliquer que le racisme est un moyen important pour diviser les travailleurs et qu'ils en sont victimes, eux-aussi. Ils sont imperméables à toute réflexion. On dirait des croyants à qui on voudrait faire croire que Dieu n'existe pas ! Leur conviction s'apparente à une sorte de religion ?

Alors, il faut trouver autre chose et surtout ne pas abdiquer. Ne pas être frileux sur cette question faute d'avoir les arguments décisifs.

Personnellement, je n'ai pas la prétention de détenir la réponse. Mais en additionnant nos réflexions et nos propositions, on peut avoir l'ambition de faire évoluer le cours des choses et de trouver la solution.

Faire en sorte que celles et ceux qui soutiennent le RN se retrouvent avec nous dans un grand rassemblement populaire pour une véritable alternative de progrès sociaux et écologiques. Il faut leur proposer une perspective. Il faut leur proposer un combat qui leur redonne un idéal et conforte leur dignité. Par exemple, la grande réforme des institutions que nous proposons avec la 6ème République et la fin de l'actuel régime de « monarchie républicaine ». En un mot, il faut s'adresser aux soutiens du RN. Proposons leur de renverser la table !

Cette préoccupation de lutte contre l'extrême droite doit aussi nous mobiliser à Miramas. Nous avons dorénavant un député RN qui a obtenu près de 60% des voix aux dernières législatives avec 10 000 abstentions sur la commune.

Et c'est loin d'être un mannequin. Dans notre ville il est omniprésent, très actif et nul ne doute qu'il lorgne désormais la mairie en 2026 sans que cela ne provoque ni indignation ni même d'inquiétude dans une ville qui frise 30 000 habitants et qui est classée au 3ème rang des villes ayant le taux de pauvreté le plus élevé dans les Bouches-du-Rhône (22%).

A mon avis, il ne faut pas remettre à demain la lutte pour éradiquer le RN et l'empêcher d'étendre ses ravages. Ce doit être notre priorité la plus urgent.  Un souci de tous les instants.

Le pire n'est pas inéluctable : dans ce pays il y a encore de la bienveillance et des sentiments de solidarité.

Georges THORRAND