La santé n’est pas une marchandise?!
Soutenons avec force la proposition discutée à l’Organisation mondiale de la santé d’un réservoir international des brevets. Ne pas le faire reviendrait à priver des pays, voire des continents entiers, du vaccin ou du médicament pour contrer la pandémie de Covid-19. Quant aux autres, le prix risque d’y être prohibitif pour les familles populaires.
La guerre à laquelle se livrent les firmes pharmaceutiques pour produire le vaccin tant attendu met en péril la santé de millions d’êtres humains. L’indispensable coopération internationale est broyée par l’appât du gain que fait miroitier une demande mondiale exceptionnelle.
En quarante ans, l’industrie pharmaceutique s’est transformée en hydre capitaliste. Ce secteur d’intérêt général est désormais laissé aux mains d’actionnaires éparpillés sur les places boursières mondiales, qui décident à leur bon vouloir de la qualité et de la quantité de production de médicaments. Et les chaînes valeurs ont été disséminées à travers le monde de telle sorte que les puissances publiques n’aient plus leur mot à dire sur ce qui était hier des fleurons des économies nationales, répondant de besoins stratégiques.
Vu l’ampleur de la pandémie, des sommes colossales sont en jeu. L’intérêt des actionnaires de ce secteur, le sixième marché économique mondial, ne réside ni dans la coopération entre États ni dans la mise en commun des brevets et des molécules, pourtant indispensable si l’on veut que l’humanité fasse front solidairement à l’épreuve, mais dans la compétition commerciale.
Les propos du PDG de Sanofi selon lequel son groupe réserverait un éventuel vaccin aux plus gros payeurs, c’est-à-dire aux États-Unis, sont totalement abjects. Ceux qui nous expliquaient l’avantage d’aller chercher des dirigeants d’entreprises françaises loin d’ici tout en glosant sur la souveraineté ne sont que les piètres commis du capital international.
Ce groupe qui doit tout au soutien de l’État incarne à merveille les liens incestueux noués entre les puissances publiques et le marché capitaliste. Biberonnée à l’argent public, la multinationale ne se sent liée à aucune obligation à l’égard du pays qui l’a vue et fait naître et continue de la nourrir. Elle vogue dans les eaux glacées du capitalisme mondialisé avec une effarante arrogance. 150 millions d’euros de crédit d’impôt recherche, 24 millions de Cice versés chaque année et des crédits européens ne la lient à aucun devoir moral. L’exploitation des outils de recherche publique français qui, tels l’Inserm ou les centres hospitaliers universitaires contraints d’aller lui quémander des financements, non plus. Quant à l’emploi, notamment en France, il a été violemment sabré pour doper le cours des actions du groupe.
Ses actionnaires, par contre, auront eu l’agréable surprise d’empocher 4 milliards d’euros cette année, quand le groupe aux 35 milliards de chiffre d’affaires et aux plus de 100 milliards de capitalisation boursière s’est contenté d’une obole de 100 millions pour soi-disant lutter contre l’épidémie. Cette situation est intolérable. L’intérêt général commande de nationaliser Sanofi pour créer les bases d’un pôle public du médicament. Il s’agit d’une absolue nécessité sanitaire et démocratique.
Les organisations internationales sont en effet démunies et réduites à lancer des appels velléitaires à la solidarité entre pays dès lors qu’elles n’ont pour interlocuteurs que des groupes dont la survie dépend de l’intensité de la concurrence mondiale. L’implacable loi du marché capitaliste fixe ses règles du jeu. Et parmi elles figurent le rançonnage des États et le pillage de l’argent public. C’est à ces règles qu’il faut impérativement s’attaquer pour mettre fin au chantage au financement, aux pénuries organisées, et pour ériger une coopération internationale dans le domaine de la santé en s‘appuyant sur l’ONU et l’OMS. Pour y parvenir, le droit de propriété lucrative doit laisser place à un droit de propriété sociale et démocratique.
Oui, Sanofi doit devenir un bien commun, une propriété commune aux citoyens, équipes de recherche et soignants, y compris entre plusieurs États européens.
Patrick Le Hyari
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