Le noble et gratifiant métier d’enseignant par Danielle Bleitrach
Un enseignant égorgé pour avoir parlé en classe des caricatures du prophète! Qui n’est pas horrifié devant un tel crime? Et, en tant qu’enseignante, je partage la souffrance de ces enseignants devenus les fantassins du social, en première ligne face à toutes les conséquences d’une société en crise profonde, sans aide, sans reconnaissance et qui continuent à œuvrer pour des valeurs que tant d’autres abandonnent.
Hier encore, je décrivais ces enseignants du centre ville de Marseille tentant d’aider les enfants de leur quartier à vaincre les inégalités et faisant face pour cela y compris aux risques pour leur santé. C’est cette image du métier que je veux conserver face à la barbarie, celle d’enfants désireux d’apprendre comme la gratification du métier.
Je partage le souci des syndicats d’enseignants visant à éviter toute récupération étrangère à ce qui fait ce qu’il faut bien appeler une vocation.
Une telle barbarie ne leur est pas seulement étrangère à eux enseignants, elle est étrangère à l’humanité et je sais sans la moindre hésitation que les citoyens français de confession musulmane sont dans leur quasi totalité les premiers à ressentir une telle horreur. Je pense en particulier à ceux originaires d’Algérie à qui ce type de crime fasciste rappelle certainement les centaines de milliers de morts qu’il y a eu dans leur pays par les mêmes individus nés et entretenus par les conflits au Moyen-Orient, en Afghanistan, en Asie centrale.
L’homme était un Tchétchène, là encore cela nous fait souvenir d’une autre guerre provoquée à la frontière de l’URSS et entretenue pour que s’installe un régime d’oligarques. Les belles âmes qui ont refusé de voir ce qui se mettait en place pour finir de démanteler l’URSS.
Que ce soit un professeur d’histoire et géographie à qui le silence ait été imposé par cette horreur n’est pas un hasard… Je ne cesse de dénoncer le négationnisme de nos sociétés et j’ai créé ce blog pour l’affronter, un prolongement de cette vocation et de ce qui a poussé un certain nombre de jeunes gens à choisit cette discipline: comprendre toujours mieux le sens de l’humanité, de l’origine, à l’avenir, transmettre, éduquer chaque citoyen à gouverner.
Je parle souvent de ce que m’a appris Cuba, ce que j’ai découvert c’est la manière dont confronté à de terribles difficultés liées au blocus, le corps enseignant dont le salaire équivalait (en plus de la libretta) à l’achat d’un ananas apportait à tous les enfants une des meilleures formation qui soit, contribuait à l’éducation à la citoyenneté, mais aussi recevait tout l’appui moral et l’aide pédagogique nécessaire pour remplir une telle mission et il m’est arrivé de les envier. Si je suis restée communiste, si je me bats pour le socialisme c’est d’abord souvent en tant qu’enseignant chercheur rêvant d’une societé où ce que j’estime une vocation pourrait enfin s’épanouir dans cet échange entre un jeune et une personne dont le savoir est sans cesse questionné qui a nom le professeur. Provoquer ce questionnement à nos risques et péril est un des aspects les plus riches de notre métier, égorger, imposer le silence à cet échange est la preuve de la crise profonde de nos sociétés.
La lutte pour la paix et le droit à l’éducation, l’esprit de responsabilité, ces combats-là sont plus que jamais d’actualité et ils caractérisent le métier d’enseignant tel que je l’ai passionnément aimé. Je suis fière de savoir que des centaines de milliers d’enseignants chacun à leur manière tentent de faire face malgré le peu d’aide qu’ils reçoivent.
Danielle Bleitrach