Parlement. Un an de résistance face à la «?violence inouïe?» des macronistes
Les députés qui siègent à gauche dans l’Hémicycle ont fait face à une avalanche de lois réactionnaires, antisociales et liberticides. Insoumis et communistes disent vouloir ne rien lâcher lors des quatre années à venir.
Il y a un an, les formations classées à gauche de l’échiquier politique français envoyaient leur plus faible contingent de députés à l’Assemblée nationale depuis des lustres. À peine plus de 60, en comptant les 31 élus du groupe socialiste, rebaptisé Nouvelle Gauche, les 17 insoumis et les 16 membres du groupe GDR, dont 11 communistes. Dès leurs premiers pas médiatiques au Palais Bourbon, les insoumis ont promis de tenir la dragée haute à Macron. Par le hasard parfois prémonitoire de l’ordre orthographique, François Ruffin et François de Rugy se sont ensuite retrouvés côte à côte lors de la première séance dans l’Hémicycle. Le « député-reporter » FI, dont les prises de parole sont devenues les plus suivies sur les réseaux sociaux, et celui qui s’apprêtait à être élu président de l’Assemblée nationale se livrent depuis un duel permanent au sujet du rôle du Parlement, aussi bien sur le fond que sur la forme.
Et puis est venu le moment de voter ou non la confiance au premier ministre, Édouard Philippe : communistes et insoumis ont voté contre, mais les socialistes se sont majoritairement abstenus, comme s’il y avait un doute sur la nature de la politique que le gouvernement allait mener. « Nous n’avons eu aucune hésitation : on était évidemment déterminés à s’opposer fermement. Mais on ne s’attendait pas à un tel rythme pour casser l’État social. Les macronistes se sont donné deux ans pour tout exploser », souffle Éric Coquerel (FI). « Je ne me faisais aucune illusion sur le caractère ultralibéral de Macron, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit à ce point l’artisan d’une révolution conservatrice et antidémocratique. Il y a une dimension extrêmement idéologique, dogmatique et autoritaire dans son libéralisme. Il est encore plus dangereux que prévu », ajoute Stéphane Peu (PCF).
Dès l’été dernier, le gouvernement a repris à son compte le « blitzkrieg » social promis par Fillon en lançant la destruction du Code du travail, qui plus est par ordonnances. Adrien Quatennens (FI), tout juste arrivé, a ridiculisé l’argumentaire de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui niait les rapports de domination en entreprise et faisait passer les actionnaires pour des Bisounours. « Marcel, qui va en sifflotant au travail, c’est bien connu, va dialoguer socialement avec son patron en disant “Tiens, aujourd’hui on va augmenter les salaires !” » lance l’élu devant une ministre déconfite. Elle le sera encore plus après les révélations de l’Humanité démontrant qu’elle s’est enrichie en licenciant chez Danone alors qu’elle y possédait des actions, Pierre Dharréville (PCF) lui assénant qu’elle est désormais « disqualifiée » en tant que ministre du Travail.
« Une Assemblée caporalisée et soumise aux desiderata d’un seul homme »
La réforme est pourtant passée, comme d’autres : avec 361 députés LREM ou Modem complètement godillots, les votes sont souvent joués d’avance. « Il y a une frustration devant l’incapacité de la majorité à entendre raison à partir des démonstrations des groupes GDR et FI. L’Assemblée ne remplit pas son rôle. Elle est caporalisée, soumise aux desiderata d’un seul homme : Macron », mesure Adrien Quatennens. Reste que l’Assemblée est « un haut-parleur, une formidable tribune qui permet réellement de faire de la politique et de mener une campagne permanente », selon Éric Coquerel. À force de dénoncer un budget inique, fait de cadeaux aux plus fortunés et de privations pour les plus démunis, et de voir qualifier le chef d’État de « président des riches », les députés PCF et FI ont fini par lui coller la formule à la peau. « Là, on a marqué un point, parce que cela correspond à la réalité vécue par la population. Mais il n’est pas seulement le président des riches. Il est celui de la technostructure, un peu comme l’était Renzi en Italie, ce qui n’augure rien de bon. Il ne combat jamais les dérives de l’entre-soi et de l’égoïsme. Il est aussi le président du risque démocratique », relève Stéphane Peu.
À force de dénoncer, débattre, proposer, les députés PCF et FI parviennent à imposer des thèmes qui font tache d’huile sur tous les bancs. C’est le cas de la lutte contre la fraude fiscale. « J’ai créé mon entreprise offshore ce week-end, en deux minutes et quelques clics », après avoir tapé « Gibraltar paradis fiscal » sur Google, a d’ailleurs annoncé en plein Hémicycle Fabien Roussel (PCF), afin de démontrer au ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, médusé, qu’il y avait encore beaucoup à faire. La scène a fait le buzz, et contraint le gouvernement à quelques annonces. « Nous avons l’obsession d’être utiles, de faire avancer des idées, de gagner des avancées, même dans ce contexte, et de poser des actes pour la suite. C’est comme cela que la question du verrou de Bercy est devenue incontournable, et que nous avons fait avancer celle des aidants », note Pierre Dharréville.
Mais la majorité « bloque presque toujours l’opposition, même quand elle est d’accord, quitte à se réapproprier les idées ensuite », dénonce Éric Coquerel. Avec 31 amendements GDR adoptés lors de l’examen de la loi Elan sur le logement, Stéphane Peu a récemment battu un record, puisque seuls 15 autres avaient jusqu’alors été acceptés par les marcheurs. « On fait reconnaître certaines choses, on limite certaines casses, mais sans remédier à la malformation congénitale des textes, que l’on ne vote pas tant ils sont nocifs », pointe Sébastien Jumel (PCF). Communistes et insoumis, qui figurent régulièrement en tête des classements des députés les plus actifs, ont d’ailleurs voté contre l’immense majorité des lois examinées, de celle sur le secret des affaires à la réforme de la SNCF. Les exceptions, par exemple sur le référendum en Nouvelle-Calédonie, sont très rares. Les socialistes, eux, votent souvent comme leurs voisins de gauche, et ont même signé plusieurs recours communs devant le Conseil constitutionnel avec le PCF et la FI. « Mais le PS n’est toujours pas sorti de son entre-deux. Le quinquennat Hollande est régulièrement défendu », pointe Éric Coquerel.
« Rassembler les oppositions à Macron à l’Assemblée et en dehors »
Un avis partagé par Sébastien Jumel, qui ajoute : « Notre responsabilité face au rouleau compresseur de l’exécutif est de rassembler les oppositions à Macron à l’Assemblée et en dehors. Il nous faut additionner les forces. J’aimerais bien que les passerelles prospèrent encore plus avec la FI et une partie des députés NG. Le peuple qui souffre l’attend. On a progressé là-dessus et on a encore beaucoup à faire. » « On a vécu un an de violences inouïes. On tient grâce à cette rage que l’on puise en permanence dans la mal-vie autour de nous », assène Elsa Faucillon (PCF), indignée par le traitement réservé aux réfugiés et aux étudiants. Face à un « bloc Macron qui continue de tisser des liens avec la droite pour s’étendre », elle appelle à ce qu’un autre bloc se fédère pour « reconstruire à gauche ». Mais le terme reste sensible chez les insoumis. « Notre programme, l’Avenir en commun, est de gauche. A-t-on besoin de se revendiquer de gauche pour autant ? Non », expose Adrien Quatennens, qui ajoute qu’il y a « des débats stratégiques qu’il faut avoir et qui sont nobles ». À ses yeux, la séquence de 2017 « a fait preuve d’une efficacité : le saut quantitatif et qualitatif entre 2012 et 2017 ne s’est pas fait pour rien ». Même son de cloche du côté d’Éric Coquerel : « Il y a une reconstruction bien entamée avec la FI, ce serait bien de l’admettre pour tous les partis qui appellent à l’unité. »
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