PRÉSIDENTIELLE 2022. RÉFLEXION DE MAÏTÉ PINÉRO : AU COMMENCEMENT : LE COMBAT !
32,28% à l’extrême droite, 31,94% aux partis se réclamant de gauche, c’est le verdict des urnes. Les monstres regardent la France et la France qui les regarde en est contaminée. 12 millions d’abstentionnistes, près d’un million de votes nuls ont manifesté leur dégoût. La désespérance sociale a créé une sorte de vote censitaire, les riches forts de leur vote, les plus pauvres privés du leur par une gauche en décomposition avancée.
L’électorat encore mobilisé, cerné par la montée d’extrême-droite et la politique néo-libérale de Macron, a été capitalisé dans le vote utile. Il a montré dans les urnes son inutilité mais court maintenant le risque d’être en partie perverti au service de la politique de la terre brûlée.
Un projet mortifère est à l’œuvre qui renforce le danger Le Pen.
Après s’être servi du parti communiste pour jeter ses bases en 2012 et 2017, Mélenchon s’est totalement découvert. Le candidat populiste avance un à un tous ses pions. Exit tout de suite le marchepied du Front de Gauche au profit d’un seul chef. Exit les partis dont le député Corbières déclarait, dès après l’élection de 2017, pouvoir se passer; Exit le mouvement social (avec moi a déclaré César, «vous vous économiserez les manifs»); Exit maintenant la gauche et même toute idée de gauche: «nous n’utilisons pas le mot de gauche car il est répulsif» déclare le même Corbières dès le 11 avril.
L’ambition forcenée d’imposer le chef a conduit la FI à contester durant la campagne le débat démocratique. Le cadre imposé du système présidentiel doit être porté au paroxysme qui conjugue César et le parti unique .
L’anticommunisme s’est révélé dans son ampleur: c’est la candidature de Fabien Roussel qui fut sans cesse accusée. Toutes les déclarations de Mélenchon et de ses lieutenants ont préparé et suscité insultes et agressions contre les communistes. On en a aussi fait l’expérience à Montreuil, le soir des résultats en mairie.
Dans les urnes, le-résultat de la France Insoumise est au taquet, l’impuissance à rassembler manifeste, même en siphonnant les autres partis, l’électorat communiste des ex «banlieues rouges» notamment. Leur apport, arraché par le chantage et la supplique, ne rend que plus irresponsable et grossier la déclaration de Quatennens qualifiant le vote Roussel du «poil de fesse» qui aurait manqué. On pense aux camarades qui ont mis en poche leur conviction et doivent se sentir doublement insultés.
En réponse à la proposition du PCF, réitérée pendant toute la campagne de la présidentielle, réunir tous les partis de gauche pour aller ensemble aux législatives, on est sommé de se rallier, de se dissoudre dans ce gaz qui sent maintenant le souffre.
Le pire est encore à venir: en se contentant d’affirmer «pas une voix à Le Pen», tolérance au vote blanc ou nul, permis au tiers des voix «insoumises» prêtes à voter Le Pen, le mouvement montre ses complaisances politiques élastiques et dans quels sables mouvants, sans repères de classe, ni même engagement antifasciste, il est prêt à enfoncer le pays et son peuple.
Avant le mal, il y a la banalisation du mal, des prises de position politiques pour s'ériger en rempart ou, au contraire, lui élargissent la brèche.
Comme l’a affirmé André Chassaigne, la détermination du PCF à faire barrage en utilisant le seul vote à disposition, même si Macron demeure notre adversaire, ne se négocie pas. Combattre la politique Macron est une chose, se battre au pied-à_pied contre l’institutionnalisation du néo-fascisme en est une autre, et encore une autre de devoir le faire face aux meutes. Marine le Pen, qui n’a rien modifié de son programme raciste, peut bien tenter d’être présentable, elle a déjà un Zemmour comme inspirateur des futures milices.
Je voterai Macron car je sais que les migrants sans-papiers de ma rue seront sinon, tôt ou tard victimes potentielles de lynchage et expulsés. Je voterai Macron en pensant à cette dernière nouvelle qui vient du Chili, des travaux au stade national qui ont exhumé des ossements; Je voterai Macron en pensant aux fosses communes qui restent encore à découvrir dans toute l’Espagne, à celles de La Commune dont on sait qu’elles existent mais dont plus personne ne se soucie; Je voterai Macron car je sais qu’avec Le Pen, les combattants de première ligne, salariés en lutte et tous mes camarades trouveront en face d’eux des tueurs invités à passer à l’acte, avant officialisation du permis de tuer.
Le racisme est l’abécédaire de la haine qui libérera demain toutes les composantes du fascisme. Alors, je voterai avec rage mais sans hésitation, car je ne veux pas avoir demain du sang sur les mains. Et s’il coule, j’irai le cracher à la figure des dirigeants politiques qui l’auront permis.
Les dangers multiples obligent à mesurer les points d’appui.
«C’est le début du recommencement pour la gauche et la France. C’est cela que nous portons tous ensemble». Le dernier meeting de Fabien Roussel à Lille, n’était pas une clôture mais un appel au combat bien au-delà des urnes. Message reçu par une salle comble qui a repris le «Tous ensemble» des grandes grèves de 1995».
Ce que la candidature communiste a semé ne s’établit pas en pourcentage électoral. Les dividendes décisifs, qui se mesurent dans le plus petit espoir semé, dans la confiance retrouvée, dans les coups portés à la résignation, au fatalisme, au sauve-qui-peut individuel, sont à venir.
Deux présidentielles sans candidature ni projet propre, avaient pourtant produit des effets mortels. En plein système présidentiel, vérolé par l’effet de notoriété et les têtes d’affiche, c’est un parti réduit au rôle de croupion électoral, ayant perdu beaucoup de ses forces militantes qui présentaient son candidat. Il ne bénéficiait même pas comme Marie Georges Buffet d’une aura d’ancien ministre.
Quand l’été dernier, la caravane des jours heureux a traversé le pays, la confiance et l’énergie militante n’étaient pas encore au rendez- vous. Dans les médias, Fabien Roussel avait fait entendre la voix différente des entreprises en lutte, d’une souffrance tue ou niée, de cent mille accusations des vies vérolées par le capitalisme financier.
La chanson des jours heureux était moquée. Elle a pourtant fait bouger les lignes. Après quarante ans d’austérité et de crise à toutes les sauces, il est devenu utopique et indécent de parler d’espoir. Mais l’espoir s’est levé quand même au milieu des quolibets, justement parce qu’il faut parler d’espoir au moment des plus grands dangers. Qu’il est urgent de s’y cramponner, quand bien même il ne serait qu’une trouée, afin que le ciel ne s’obscurcisse tout à fait.
En janvier, alors que les propositions de justice sociale avaient dérangé le débat programmé, un parti ressurgissait, sans concurrence sur le terrain. Sur les réseaux sociaux se dessinait toute une géographie, une cartographie militante: distribution de tracts, portes à porte, affichages, réunions publiques, banquets républicains, apéroussels. Les communistes se manifestaient, se retrouvaient et reprenaient leur chemin de toujours: les entreprises, les marchés, les cités.
Les propositions de notre candidat sans nul besoin de clone étaient relayées, répercutées dans tout le pays. Étrangement, une phrase, pourtant anodine, sur le droit pour tous de manger sainement devenait une sorte de révélateur et d'enjeu du combat de classe qui structure la vie politique.
Innombrables sont les témoignages et les posts témoignant de la fierté retrouvée, celle du combat. Qui radiographiera un jour cette campagne pour montrer ce qu’ont réussi le candidat et les militants d’un parti décrit comme moribond, dont on espérait qu’il convulserait dans ses derniers débats, soi-disant condamné par l’histoire? En donnant à voir sa démarche, du début à la fin de la campagne, il a fait comme aucun engagement et démonstration de démocratie.
Toute une histoire de France a été rappelée, une armée des ombres qui nous porte et dont nous sommes les héritiers: la Résistance et le programme des jours heureux du CNR, les conquis à nouveau revendiqués, la Sécu, les nationalisations, de noms prononcés, Thorez et la création de la fonction publique, Fernand Grenier et le vote des femmes, Croizat et la Sécu.
Nous sommes reliés à ces racines dont l’enracinement a été réaffirmé. Ce ne sera pas en vain. Pas plus que le vote à plus de 20% pour Fabien Roussel à Valmanya, le petit village catalan du massif du Canigou, siège du maquis incendié par les Nazis.
«Le meilleur vote, a déclaré Fabien Roussel à Lille, c’est celui qui donne de la force car nous construisons pour aujourd’hui et pour demain». Les communistes se sont donnés de la force. Cela s’est vu, cela se sait, ils sont au combat.
Maïté Pinéro Article publié sur sa page Facebook
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