Vous savez que j’ai décidé de créer une rubrique intitulée « le savoir-vivre » communiste, un peu à la manière dont des manuels enseignaient aux bourgeois l’art de mériter leur hégémonie par le bien conduire. Le savoir-vivre des communistes qui s’est avéré être au cours des siècles également un savoir mourir, ce qui a renforcé quelque peu sa pertinence, me paraît en effet en danger de perdition. Donc je l’exerce à partir de ce que l’on peut considérer comme le fait divers de la politique.
Aujourd’hui je voudrais vous parler de ce que j’ai décidé de ne pas diffuser sur mon blog, à savoir le machin qui montrerait la collusion entre Ruffin et Macron parce que c’est un coup de Jarnac et que je n’aime pas ça, on ne sait de qui ça vient et où ça va…
Néanmoins cet épisode éclaire un des aspects de Ruffin qui tient au fait qu’il est d’abord un homme de médias et qui sait comment ils fonctionnent, un peu trop peut-être… il agit dans ce cas, selon moi, comme le cinéaste de « merci patron » et il cherche à attirer le caprice médiatique vers son objet momentané, le temps de l’équivalent d’un tournage.
C’est un cinéaste, il pense et agit comme tel. La France insoumise comme En marche a attiré ou prétendu attirer « la société civile », c’est ça un « mouvement », il est plus ou moins bien tenu par un petit groupe, c’est tout sauf démocratique.
C’est pourquoi je suis pour un parti. communiste. Parce que le mouvement à la fin non seulement est gouverné par un petit groupe tiraillé entre des individualités, mais pour continuer à agir, à exister il leur faut de plus en plus de « coups médiatiques ». Ce que je reproche au PCF, c’est la manière dont depuis Robert Hue il a détruit ce qui fait justement la démocratie réelle du PCF, c’est-à-dire sa relation avec le peuple, les couches populaires, en particulier dans l’entreprise, lieu de lutte de classe autant que d’innovation. Il s’est soumis à un conception des partis sociaux-démocrates eux mêmes détruits par François Mitterrand : c’est ce que je raconte dans mes mémoires. Le PCF a fini par dériver jusqu’au mouvement avec l’effacement derrière le chef sollicité, Jean-Luc Mélenchon, et les « coups politiciens ». Et il a fallu des gens d’une grande faiblesse politique pour nous engouffrer là-dedans. Il est vrai que les temps étaient difficiles et que l’option choisie a été de sauver des élus. Mais cela a accentué une absence de stratégie en vue du socialisme qui pour moi remonte aux années 1970 et le parti s’est joué d’élection en élection jusqu’à devenir sur ce plan aussi une peau de chagrin.
Le 38 ème congrès a été un effort de l’ensemble des communistes pour défendre leur parti même si dans bien des domaines les confusions demeurent importantes, après plus de vingt ans au moins de dérive le contraire serait étonnant.
Donc pour me résumer je pense que l’acharnement contre Ruffin fait partie de règlements de compte internes dont je n’ai pas envie de me mêler et dont je ne pense pas que la faute puisse être attribuée au seul Ruffin mais bien à une conception de la vie politique française où les plateaux de télévision deviennent le seul lieu de la parole autorisée. C’est à ce titre que j’ai apprécié le discours de Fabien Roussel au dernier comité national du 23 novembre 2019, il me semble qu’il propose une reconstruction du parti. Il le fait dans une triple direction au moins: un internationalisme retrouvé face à la tyrannie de la mondialisation capitaliste, aux politiques d’austérité, au bellicisme, il faut une solidarité renforcée entre partis communistes et forces progressistes. Deux, il faut reconstruire le parti, en particulier retourner vers les entreprises. Et c’est à partir de là seulement que l’on peut comprendre sa troisième proposition, dont je dois dire que l’annonce m’avait personnellement choquée à savoir la rencontre du 11 décembre sur les retraites entre partis politiques.
Voilà Ruffin comme les autres y ont toute leur place mais chacun devra se déterminer sur un programme et des propositions pour voir ce que l’on peut mener ensemble pour construire un véritable droit à la retraite pour les Français.
Paradoxalement, le parti communiste français, si affaibli soit-il est sur tous ses plans en meilleure position que tous les autres partis et forces politiques. C’est vrai en France mais pas seulement, on voit que partout face à la radicalisation de pillage, d’exploitation, de destruction environnementale et de répression, de bellicisme monte quelque chose de l’ordre de la nécessité de forces plus organisées, plus unifiées, plus disciplinées, avec des objectifs clairs. C’est pourquoi il a raison d’être à l’initiative et d’abord pour se renforcer parce qu’il est le seul avec sa nouvelle direction à défendre cette conception de la politique. Y arrivera-t-il? Il faut bien mesurer que cette tentative est la seule qui puisse nous prémunir sur la manière dont Macron est en train de jouer sur les divisions et les déqualifications de toutes forces politiques en préparant son numéro de duettiste avec Marine le Pen. Mais comme le dit Fabien Roussel à force de préparer son adversaire on finit par préparer son successeur. Et là encore l’urgence d’un parti communiste s’impose.
Danielle Bleitrach