SÉCU : LA MAJORITÉ VOTE L'OBLIGATION DE PAYER POUR ALLER AUX URGENCES
Les députés ont voté dans la nuit de jeudi à vendredi dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale une facturation fixe de tous les passages aux urgences en lieu et place du ticket modérateur actuel. Une mesure qui laisse craindre une augmentation du non-recours aux soins.
L’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de jeudi à vendredi le nouveau « forfait patient urgences », dans le cadre de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La mesure, qui a soulevé de nombreuses protestations parmi les professionnels de la santé, prévoit que les malades se rendant aux urgences mettent la main à la poche dès 2021, non plus en janvier comme initialement prévu mais en septembre. Les passages dans ces services, non suivi d’une hospitalisation, feront l’objet d’une facturation fixe en lieu et place l’actuel ticket modérateur laissant 20 à 30 % du coût des soins aux malades, souvent remboursés pour ceux disposant d’une complémentaire santé.
De l’ordre de 18 euros
Le rapporteur général du texte Thomas Mesnier (LaREM), comme le ministre de la Santé se sont défendus de vouloir réaliser des économies sur le dos des patients. Le premier a accusé l’opposition d’entretenir « malentendus » et « contre-vérités ». « Le reste à charge moyen actuel est de l’ordre de 19 euros à l’hôpital public, 20 euros dans le privé, et surtout il est très variable selon votre situation et votre état de santé. L’idée avec ce ‘’forfait patient urgence’’ est que ce reste à charge soit le même partout, tout le temps, de l’ordre de 18 euros », a-t-il justifié pointant un « enjeu de simplification, (puisqu’) aujourd’hui seul un tiers des tickets modérateurs sont recouvrés du fait de la complexité de la facturation » et promettant une prise en charge par les complémentaires. « Le montant de cette participation est défini par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire », prévoit toutefois l’article du projet de loi.
Assurant au député PS Boris Vallaud que le projet ne relevait d’« aucune espèce d’attente modératrice dans l’accès aux soins », Olivier Véran a argué que « c’est une mesure qui ne rapporte rien et qui ne coûte rien ». « On nous dit qu’il y a trop d’emplois administratifs, pas assez d’emplois soignants, voilà une belle manière d’arriver à simplifier un peu les choses et à rendre des ressources humaines à l’hôpital », a osé le ministre.
"Culpabiliser les personnes"
Un argumentaire employé dès l’annonce de la mesure par le gouvernement mais qui n’a pas convaincu les professionnels du secteur (lire ici). « Ce n’est pas éthique, les patients n’ont pas à payer s’ils habitent dans un secteur où il n’y a pas de médecins généralistes, déplorait ainsi dans nos colonnes Frédéric Adnet, responsable du Samu 93 et chef des urgences de l’hôpital Avicenne à Bobigny. n fait culpabiliser les personnes qui viennent parfois pour une otite ou une rage de dents et que l’on arrive à soulager. D’autant que cela va concerner un grand nombre d’usagers : 80 % des passages aux urgences ne débouchent pas sur une hospitalisation. »
Il n’a pas non plus convaincu à la gauche de l’hémicycle. « Je crains que cela contribue à être un obstacle aux soins, à avoir un effet dissuasif, a dénoncé le député FI François Ruffin. Vous l’avez d’ailleurs intégré à votre raisonnement puisque vous proposez des paliers : le patient normal, les ALD (affection longue durée, N.D.L.R.) et femmes enceintes, les enfants… » Le dispositif gouvernemental prévoit, en effet, un forfait réduit notamment pour les patients atteints de maladies chroniques si leur venue aux urgences y est liée. Et la majorité a ajouté une exonération pour les femmes enceintes à compter du sixième mois de grossesse et pour les nouveau-nés durant 30 jours. Pourquoi de telles exceptions si le forfait est sans conséquence sur le recours aux soins ? « La présentation qui est faite vise à dire qu’un passage aux urgences suivi d’une hospitalisation sera moins facturé que lorsqu’il ne l’est pas. Or, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas hospitalisation qu’il n’y a pas utilité à venir aux urgences », a également relevé le député communiste Pierre Dharréville notant aussi qu’avec « cette mesure, ceux et celles qui se rendraient aux urgences pour des soins ne dépassant pas 90 euros de facturations seraient perdants ». L’élu des Bouches-du-Rhône a d’ailleurs fait part d’une proposition puisqu’il s’agit de « simplifier » : « le 100 % sécu ».
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