Laurent Brun : Secrétaire général de la CGT des Cheminots: Sur le vote du Conseil régional Bourgogne Franche Comte.
Cette « gauche » dont les valeurs, les pratiques et les actions se confondent avec celles de la droite doit être définitivement rangée du côté des traitres à la classe ouvrière. Il faut la dénoncer. Et il faut tout faire pour la faire disparaître. Car tant qu’elle se fera passer pour une frange progressiste du monde politique, elle contribuera à dégoûter les salariés et donc à les empêcher de s’unir derrière une perspective politique réelle et solide.
Les élus politiques ne sont pas tous à ranger dans le même sac. Nous les désignons pour résoudre les problèmes de la cité sous notre mandat, et certain.e.s s’y emploient honnêtement, malgré les difficultés.
Appliquer au domaine ferroviaire, résoudre les problèmes de la cité, c’est donner l’accès au train à un maximum de citoyens par les tarifs, par l’accès à une gare ouverte, par l’existence d’une ligne près de chez eux, par l’offre de trains a des horaires adaptés, par l’accessibilité de cette gare et de ces trains aux personnes handicapées…
Résoudre les problèmes de la cité c’est éviter que les trains soient supprimés ou en retard, donc s’attaquer aux principales causes : défaillance de l’infrastructure vieillissante, panne matériel (souvent vieillissant aussi ou pas assez surveillé)…
Aucun de ces problèmes ferroviaires de la cité ne sera résolu par l’ouverture à la concurrence !
La « concurrence », qu’est ce que c’est ? C’est chercher uniquement à opposer les salariés entre eux pour sélectionner ceux dont les droits sociaux sont les plus réduits. Dans le ferroviaire, les cheminots seront transférés, la prime ira donc à l’employeur qui réduira le plus leurs droits existants après les transferts et qui les fera partir le plus vite de leur nouvelle entreprise pour les remplacer par de nouveaux embauches sans aucun droit. Belle perspective ! Et on ne parle pas de droits mirobolant comme ceux des parasites du CAC40 qui se partageront 70 milliards de dividendes cette année sans avoir rien fait pour produire les richesses dont ils profitent. Quand on parle de concurrence entre les salariés, c’est pour réduire des éléments de leur protection sociale, des éléments de leur salaire, les repos dont ils bénéficient après du travail de nuit à leur poste ou des nuits en repos hors de chez eux ou autre.
Ça ne bénéficiera aucunement aux usagers puisque l’économie ainsi gagnée ne laissera que la place de la rémunération de l’exploitant. Et encore, l’organisation publique monopoliste et intégrée étant souvent la plus efficace, l’éclatement crée tellement de surcoût qu’en plus de la casse des droits des salariés il faut accroître les subventions.
Je ne rentrerais pas dans les détails sur l’impact dangereux que l’intensification du travail, la repetitivité des tâches ou la diminution des repos peut avoir sur la sécurité des circulations. Ces gens là s’en moquent car ils trouveront toujours un lampiste à faire condamner à leur place. C’est donc la conscience tranquille, la moustache guillerette, qu’ils sont fiers d’annoncer la mise en concurrence des TER.
Petit moment de gloire pour eux. Ils sont persuadés d’avoir vaincu les cheminots. Vaincre des salariés qui n’ont aucun pouvoir, quelle piètre tableau de chasse. Il eu mieux valu vaincre l’impunité des milliardaires évadés fiscaux ou autre profiteur de pandémie. Mais ces élus là n’ont pas la colonne vertébrale assez solide pour s’y attaquer. Qu’ils ne se réjouissent pas trop de leur victoire tout de même. Car les cheminots ont déjà été séparés dans de multiples compagnies et cela ne les a pas empêcher de se battre.
Un vote a eu lieu. Si les cheminots veulent bien s’organiser avec la CGT, nous promettront l’enfer a ces élus ! Nous nous battrons comme des lions pour que pas un seul de nos droits ne soit remis en cause ! Le dumping social ne sera pas le carburant de la concurrence ! Les cheminots produisent le chemin de fer. Ils encaissent le mépris et les agressions sociales en continuant à faire consciencieusement leur travail. Ils agissent collectivement pour porter des messages et des revendications. Mais dans ces nouvelles concessions, dans ces micro compagnies qu’on nous promet, ils auront le pouvoir d’arrêter totalement la production si leurs droits sont en cause ! Là multiplications des conflits locaux actuels à la SNCF devrait faire réfléchir : les 55 mains levées qui ont voté la concurrence sont incapables de faire rouler les trains. Il faudra bien entendre les cheminots. Nous y veillerons !
Mettre les salariés en concurrence pour réduire leurs droits n’est pas une proposition de gauche. Au contraire, la gauche devrait abandonner ce mode de gestion dans tous les domaines où il fait déjà des ravages : sociétés de nettoyage, de vigiles, de cantines, réseaux de transports urbains, etc. Il ne suffit pas d’avoir de la compassion pour les « premiers de corvée » pour être de gauche. La gauche ce n’est pas la compassion. C’est l’action pour donner de la stabilité et des droits aux salariés. Oh il y aura une belle clause sociale dans chaque concession. Au même titre que les accords « responsabilités sociales des entreprises » ces clauses ne vaudront même pas le prix du papier sur lequel elles sont couchées.
Ce dont nous avons besoin, c’est de décisions politiques.
En Angleterre, le gouvernement conservateur re nationalise, en Belgique le gouvernement social démocrate maintien le monopole de la SNCB pour 10 ans, de même qu’au Luxembourg, en Norvège le gouvernement travailliste stoppe le processus d’appels d’offre lancé en 2015 par la droite et va ré attribuer l’ensemble de l’exploitation à l’opérateur historique. Il s’agit de choix rationnels, et aussi de rapports de forces acharnés. C’est ce que nous voulons construire pour sortir de l’atomisation du réseau ferroviaire amorcé avec la réforme de 2018, comme il faut sortir du dépeçage d’EDF ou autre.
Il est temps de remettre des valeurs dans nos perspectives politiques, de tracer des lignes rouges sur ce qui ne doit pas être fait, sur ce qu’on ne peut pas accepter.
Il ne s’agit pas de s’interdire toute alliance. Après tout, des citoyens votent pour des élus modérés, parce qu’ils veulent une politique moderee. Et il serait stupide de laisser la violence sociale de la droite se saisir de tous les pouvoirs parce qu’il y a des désaccords entre modérés et révolutionnaires. Mais dans la bataille politique, il va falloir remettre une distinction entre modération et trahison, entre politique manquant d’ambition et cadeau supplémentaire aux capitalistes. Cette distinction il faut la marquer face aux élus. Et il faut aussi la marquer face aux citoyens pour leur faire prendre leurs responsabilités : non vous n’êtes pas de gauche, non vous n’êtes pas gentils, non vous ne votez pas « utile » quand vous acceptez de mettre les salariés en opposition entre eux.
L’heure des choix sonne pour tout le monde. Les cheminots CGT ont choisi : ce sera la LUTTE !
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