Un «?Pognon de dingue?», vraiment ??
Les aides sociales ? « Un pognon de dingue » pour rien ! Alors, chers pauvres, soyez dignes, renoncez-y... Macron attaque la protection sociale au profit des plus riches. La solidarité, pourtant, ça marche. La preuve.
Après seulement une année de mandat, Emmanuel Macron n’en finit plus de jeter le masque. Ses différentes réformes mises en œuvre depuis le début de son quinquennat vont toutes dans le même sens. Il est en train de casser délibérément et soigneusement toute dimension solidaire dans notre système de protection sociale, et, plus globalement, dans la marche de la société française.
Son discours lors du congrès de la Mutualité française, le 13 juin, a achevé de convaincre (si c’était encore nécessaire) ceux qui auraient pu encore espérer le moindre geste social du gouvernement. La veille, la communication du président de la République avait donné le la, en publiant sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle Emmanuel Macron estimait que l’on dépense un « pognon de dingue » dans les aides sociales. Tandis que, précisait-il dans cette vidéo, « les pauvres restent pauvres ». Emmanuel Macron utilise donc le résultat de trois décennies de politiques libérales, l’augmentation de la pauvreté et des inégalités, pour attaquer un des derniers pans du système de protection sociale français : la solidarité. Notre Sécurité sociale fonctionne selon ce grand principe de solidarité : les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités, les cotisations sociales servent à soigner ceux qui tombent malades, ou encore à indemniser ceux qui perdraient leur travail... Avec les politiques libérales mises en œuvre depuis les années 1980, et accélérées depuis la crise de 2008, ce système prend de plus en plus du plomb dans l’aile, mais il fonctionne encore. Les soins sont moins bien remboursés, tandis que les mutuelles complémentaires, de plus en plus sollicitées, augmentent leurs tarifs. Les retraités ont vu leurs pensions baisser tandis que l’âge de départ à la retraite est sans cesse reculé... Et, effectivement, il y a toujours autant de pauvres, les gouvernements successifs ayant mis en œuvre des politiques d’incitation à l’embauche au seul bénéfice des entreprises (comme le Cice mis en place par François Hollande), et en échange d’aucune contrepartie.
le pognon... des grands patrons
Lors de son discours du 13 juin, Emmanuel Macron a déclaré vouloir « réinventer un État providence de la dignité et de l’émancipation ». En traduction, éclairé par sa vidéo de la veille, cela signifie ne plus s’abaisser à recevoir des aides sociales quand on est pauvre (dignité), et aller chercher un travail à la place (émancipation). Cette injonction à remettre les pauvres au boulot fait pourtant fi du constat qui précède sur l’explosion du nombre de pauvres et de précaires, en raison justement des théories politiques qui guident celle de Macron. Elles sont anciennes et elles ont été mises en place dans les années 1980 par Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. Lui poursuit dans ce sens trente ans plus tard.
Emmanuel Macron n’est évidemment pas mû par une simple haine des pauvres... Sa politique de casse de toute conception solidaire de notre système de protection sociale répond à la logique de ceux qui l’ont porté au pouvoir : la solidarité, ça coûte cher aux riches. Le « pognon de dingue » auquel le président de la République a fait allusion est celui que les grands patrons du Medef ne veulent plus verser dans la solidarité. La Sécu leur coûte cher, alors qu’il y aurait moyen pour eux de gagner de l’argent en privatisant complètement le marché de la santé. Les chômeurs leur coûtent cher, d’autant qu’ils licencient beaucoup... D’autre part, François Hollande, avec le Cice, leur avait déjà fait un joli cadeau de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Emmanuel Macron a poursuivi en cassant le Code du travail, et en faisant également un cadeau aux plus riches avec la suppression de l’ISF à l’automne dernier. Tous ces cadeaux-là coûtent autrement plus cher que le « pognon de dingue » dont parlait le président de la République.
La France, gros payeur de dividendes
D’autant que l’ONG Oxfam a décortiqué les résultats des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016, pour mettre en avant l’évolution du partage des bénéfices entre actionnaires, dirigeants et salariés. Sa conclusion est sans appel : « Les choix économiques des entreprises du CAC 40 nourrissent une véritable spirale des inégalités. » D’après l’étude, depuis 2009, ces grands groupes auraient versé 407 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Sur 100 euros de bénéfices, 67,40 euros seraient revenus aux actionnaires sous forme de dividendes, 27,3 euros pour les réinvestissements et 5,3 euros pour les salariés. La France serait ainsi « le plus gros payeur de dividendes d’Europe continentale ». L’ONG, pour donner une idée du « pognon de dingue » brassé par ces entreprises, osait même une comparaison : si les entreprises avaient maintenu leur niveau de redistribution de 2009, chaque salarié d’une entreprise du CAC 40 aurait pu être augmenté de 2 000 euros par an sur la période 2009-2016. Un scandale qui continue : en 2017, les entreprises du CAC 40 ont dégagé près de 95 milliards d’euros de bénéfices nets cumulés, soit une hausse de 24,1 % par rapport au bénéfice total de 76 milliards d’euros dégagé en 2016.
Alors où est le « pognon de dingue » ? C’est cette différence de traitement entre riches et pauvres qui est révélatrice du sens de cette politique : la solidarité, c’est bel et bien terminé. Place aux subsides, au mérite, aux contrôles et à la « responsabilité »... mais celle des pauvres uniquement.
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