Vers la République sociale. Profession de foi de Jean Jaurès (1906)
Profession de foi pour les élections législatives de 1906.
Citoyens, la République est le seul gouvernement qui convienne à la dignité de l’homme, car elle seule met en jeu la raison et la responsabilité de tous. Seule aussi, par l’exercice toujours plus efficace de la volonté populaire toujours plus éclairée, par le libre mouvement des idées et la puissante action légale de la classe ouvrière, elle peut assurer l’évolution pacifique des sociétés vers des formes meilleures.
Cette République nécessaire, les réacteurs la menacent sans cesse. Quand ils n’ont pu la tuer par la violence, ils essaient de la tuer par le mensonge.
Ils mentent impudemment quand ils présentent la loi de séparation des Églises et de l’État comme une loi de persécution et de spoliation. C’est une loi de liberté et de salut. Elle supprime un privilège et elle frappe la puissance politique d’un clergé rétrograde inféodé aux partis du passé. Mais elle respecte pleinement la liberté des consciences et des croyances. Je vous l’ai démontré surabondamment dans nos réunions publiques et, seuls, ceux qui n’ont plus d’autre arme que la calomnie, persisteront à nous accuser. Les dernières convulsions du fanatisme expirant nous affligent : elles ne nous irritent pas, et nous n’exercerons d’autres vengeances que d’appliquer la loi sans faiblesse, mais sans colère, sans hésitation, mais sans aggravation, dans l’esprit de liberté où nous l’avons faite.
Débarrassée enfin des entraves cléricales, la République reprendra et agrandira l’œuvre de réforme à peine commencée. (…)
La grande loi des retraites ouvrière et paysanne, au bénéfice de laquelle j’ai fait admettre les métayers, a été votée par la Chambre, et la volonté énergique du suffrage universel fera plier la résistance du Sénat.La grande loi des retraites ouvrière et paysanne, au bénéfice de laquelle j’ai fait admettre les métayers, a été votée par la Chambre, et la volonté énergique du suffrage universel fera plier la résistance du Sénat.
Ainsi la République, stimulée par le socialisme, pressée par la classe des travailleurs, commence à instituer cette assurance sociale qui doit s’appliquer à tous les risques, à la maladie, comme à la vieillesse, au chômage et au décès comme à l’accident.
Par là, elle ne diminuera pas seulement les misères et les angoisses qui dévorent tant d’existences humaines. Mais, en donnant à tous les prolétaires plus de sécurité et de liberté d’esprit, elle leur permettra de mieux préparer l’ordre social nouveau. En les associant à la gestion des grandes institutions d’assurance, elle les habituera à l’administration des grands intérêts qu’ils auront à gérer dans la société transformée.
Ces vastes lois ne seront possibles que par une réforme hardie de l’impôt qui demandera aux classes riches, jusqu’ici privilégiées, une plus large contribution, qui dégrèvera les propriétaires cultivateurs, les petits commerçants et les ouvriers et qui procurera le surcroît de ressources nécessaires aux œuvres de solidarité sociale.
La société d’aujourd’hui, qui met le travail d’un côté, le capital de l’autre, enfante le désordre et l’agitation. Elle ne trouvera son équilibre que dans la souveraineté du travail organisé. La politique de réaction et de répression ne peut qu’exaspérer les conflits. (…) Le socialisme ne sera pas destruction, mais organisation, au contraire, et création. (…)
Vive la République sociale !
A découvrir aussi
- Vidéo a écouter
- CONGRES DE TOURS? LA NAISSANCE DU PARTI COMMUNISTE. En VIDEO.
- Direct- Fabien ROUSSEL invité de Jean-Jacques BOURDIN. VIDEO