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DISCRIMINATION SYNDICALE : 16 ANS DE COMBAT CONTRE CATERPILLAR GRENOBLE POUR OBTENIR JUSTICE !

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Malgré cinq condamnations à régulariser les inégalités de salaire d’un délégué CGT avec celui de ses collègues, l’entreprise refuse de se plier aux décisions des juges

 

Cela fait seize ans qu’il exige de Caterpillar qu’elle régularise sa situation salariale, seize ans d’une procédure judiciaire qui, malgré son issue favorable, ne parvient pas à faire plier le géant de l’engin de chantier. Embauché en 1986 dans l’usine de Grenoble (Isère), technicien de maintenance depuis 1995, Patrick Cohen avait connu un déroulement de carrière somme toute classique jusqu’à ce qu’il prenne un mandat de délégué du personnel sous étiquette CGT en 1997. « J’ai découvert le syndicalisme par un collègue. À cette époque, la direction avait décidé d’accorder des augmentations individuelles à la tête du client, ça m’avait interpellé », se souvient-il. C’est à partir de 1999 qu’il constate qu’il fait l’objet d’un traitement différencié par rapport à ses collègues. Il aurait dû être promu au coefficient 295 à partir de cette année. Or, celui-ci est resté bloqué au niveau inférieur.

Un curieux mix entre dommages et intérêts et arriérés de salaire

Pour tenter de rectifier la situation, le syndicaliste a saisi les prud’hommes de Grenoble en 2004. Débouté en première instance, il a ensuite obtenu une décision favorable en appel en 2008, puis en cassation en 2009, avant que l’affaire ne soit renvoyée devant la cour d’appel de Lyon en 2010, dans une décision qui donnait à nouveau raison au technicien de maintenance. Il obtient alors son passage au coefficient 295. « Malgré tout cela, la direction de cette grande multinationale a décidé de ne pas appliquer l’intégralité des décisions de justice et il a fallu que je ressaisisse les prud’hommes pour essayer d’obtenir gain de cause », explique Patrick Cohen.

 

En 2011, une enquête de l’inspection du travail constate en effet que persiste un écart de salaire de 258 euros entre l’élu CGT et ses collègues masculins à ancienneté et coefficient égaux. Loin de nier, Caterpillar admettait en effet appliquer un traitement différentiel envers son salarié syndicaliste, ne reconnaissant toutefois que 206 euros de décalage avec les autres techniciens de maintenance. La justification de l’entreprise pour maintenir cette inégalité de traitement ? Elle considère que les dommages et intérêts versés à son salarié lésé en vertu de la décision de la cour d’appel de Lyon suffisent à régulariser la situation salariale de celui-ci. « En mélangeant dommages et intérêts et arriérés de salaire, l’employeur fait perdurer la discrimination », souligne maître Wilfried Samba-Sambeligue, ­avocat de Patrick Cohen. Une analyse que soutient également l’inspection du travail, qui a répondu à Caterpillar que la société devait procéder aux augmentations de salaire intimées par la justice. Mais l’entreprise campe sur ses positions, poussant le syndicaliste CGT à retourner devant les prud’hommes de Vienne en 2013.

La justice donne raison au salarié et sanctionne l’entreprise

En 2015, la juridiction donne à nouveau raison au salarié et ordonne à son employeur de lui verser 11 030 euros au titre des rattrapages de salaire, 20 000 euros de préjudice matériel et financier et 5 000 euros pour le préjudice moral. Une sanction ­encore alourdie par la cour d’appel de Lyon en 2017. Mais rien ne semble émouvoir Caterpillar, qui n’hésite pas à répondre dans un courrier à Patrick Cohen qu’elle ne se conformera pas à cette décision de justice, estimant que la cour d’appel a mal apprécié en fait comme en droit la situation du technicien de maintenance. Une double injure pour le syndicaliste, qui maîtrise on ne peut mieux le droit social en tant que membre du conseil de prud’hommes de Grenoble depuis 2013, et même président de cette juridiction en 2018. En 2015, l’entreprise a en outre refusé de repasser Patrick Cohen sur un poste à temps plein après qu’il se fut mis à temps partiel quelques années pour s’occuper de son enfant. « Force est de constater que nous devons repartir devant les mêmes juridictions pour les mêmes faits tous les deux-trois ans », soupire maître Samba-Sambeligue, qui estime que « la faiblesse du quantum des dommages et ­intérêts dans les cas de discrimination syndicale n’est absolument pas dissuasive pour une grande entreprise ».

Devant ce refus obstiné d’appliquer l’intégralité des jugements, Patrick Cohen a saisi le procureur de la République de ­Valence. « Il a estimé que mon dossier était prescrit », affirme le syndicaliste, qui ne peut s’empêcher de constater que le représentant du parquet avait su être autrement sévère avec le royaliste qui avait giflé Emmanuel Macron. Épuisé par ce périple judiciaire, le cégétiste a fini par faire une dépression réactionnelle sévère en 2020 et s’est résolu à demander une résiliation judiciaire de son contrat de travail pour quitter l’entreprise.

 

Dans un dernier élan pour exiger que justice soit faite, Patrick Cohen a saisi une nouvelle fois les prud’hommes, qui ont renvoyé la décision en départage devant un juge professionnel. S’il reconnaît que son cas est extrême pas sa longévité, le syndicaliste espère, à travers lui, alerter sur la sous-reconnaissance de ce phénomène. « Depuis 2000, il y a eu des centaines de dossiers de discrimination syndicale rien que chez Caterpillar, mais en France on est très léger sur la protection des salariés, notamment des syndicalistes », déplore-t-il. « On se plaint que les gens ne s’engagent plus, mais quand nos collègues voient comment on est traités, ça dissuade clairement de prendre un mandat », estime le conseiller de prud’hommes. Sollicitée par courriel, la direction de ­Caterpillar n’a pas répondu à nos questions.

 

Loan Nguyen

https://www.humanite.fr/discrimination-syndicale-16-ans-de-combat-contre-caterpillar-pour-obtenir-justice-714744



27/07/2021
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