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FABIEN ROUSSEL: «IL FAUT UN PCF FORT POUR REDONNER DE L’ESPOIR AU MONDE DU TRAVAIL»

 

« La création de la sécurité sociale, du système de retraites par répartition et du droit de vote des femmes ​: ces dates importantes trouvent encore leurs prolongements aujourd’hui et c’est sans doute cela qui explique notre enracinement dans l’histoire du pays »

Fabien Roussel.

Fabien Roussel.

 
© Sipa Press
 

Fabien Roussel est député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français (PCF) depuis 2018. Il est le onzième dirigeant de la formation politique qui fêtera fin décembre les cent ans de sa fondation à l’issue du fameux congrès de Tours en 1920 et la scission de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO). La majorité des militants vote alors l’adhésion à l’Internationale communiste fondée par Lénine. C’est la naissance de la Section française de l’Internationale communiste (SFIC) qui deviendra le Parti communiste. Un siècle plus tard, c’est à la tête d’une formation affaiblie mais toujours présente à gauche que Fabien Roussel ouvrira les festivités.

Le PCF fête ses cent ans à la fin de l’année. Comment expliquez-vous sa longévité ?

 

La lutte des classes existe toujours. Tant que ce rapport de force persistera, il subsistera un fond communiste pour porter ce combat. Au début des années 2000, le milliardaire américain Warren Buffett disait ​: « ​Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner ​». C’est lui qui a exprimé le mieux cette réalité ! Ensuite, le PCF est né au lendemain de la Première guerre mondiale pour porter le combat pour la paix. Il a continué à le faire tout au long de son existence, à travers les luttes internationalistes pour la décolonisation, la liberté des peuples et leur indépendance. Il a aussi mené en France des combats importants pour défendre le monde du travail, en 1936, en 1968, en 1981 et même en 2005 avec la victoire du « ​non ​» au référendum sur la constitution européenne. Entre-temps, il y a eu la résistance pendant la Seconde guerre mondiale puis la participation en 1945 au gouvernement provisoire du général De Gaulle. C’est la création de la sécurité sociale, du système de retraites par répartition et du droit de vote des femmes grâce à l’amendement défendu en 1944 par le communiste Fernand Grenier… Ces dates importantes trouvent encore leurs prolongements aujourd’hui et c’est sans doute cela qui explique notre enracinement dans l’histoire du pays.

 

« L’originalité du PCF par rapport à d’autres forces de gauche, c’est d’avoir toujours été un parti de rassemblement prêt à s’unir dans l’intérêt de la nation et du monde du travail »

L’histoire du PCF épouse celle de la France au XXe siècle, avec ses « ​moments de dogmatisme et d’aveuglement ​» comme vous l’écrivez dans la préface. Lesquels ?

 

Nous avons fait une analyse lucide du stalinisme que nous avons dénoncé, tout en restant communistes mais sans remettre en cause le PCF et ses combats. Nous avons cependant su garder un esprit critique sur ce qu’il se passait dans d’autres pays au nom du communisme. A son époque, Georges Marchais avait pris ses distances avec la manière dont le Parti communiste de l’Union soviétique gérait le pays, notamment sur la question des droits de l’homme. Nous avons eu notre originalité sans jamais renier nos fondamentaux, ce que n’ont pas fait d’autres partis. Je pense en particulier à la droite qui a une histoire forte dans notre pays mais qui, face aux soubresauts de l’histoire mais aussi face à ses erreurs, a fait le choix de changer d’étiquette et même de voie. Nous avons décidé de garder la même maison et ses fondations.

 

Le PCF s’est longtemps démarqué par son anticolonialisme, quelles traces a-t-il laissées dans l’histoire ​?

 

Nous avons souffert d’attaques et de persécutions pour cela. Plus récemment, nous avons été en France à la pointe du combat contre l’apartheid et pour la libération de Nelson Mandela. J’ai moi-même été formé comme cela, j’ai adhéré aux jeunesses communistes pour lutter contre l’apartheid. Je me suis fait tabasser à des manifs, j’ai fini plusieurs fois au commissariat et ai même été molesté, laissé nu au poste à 17 ans pour m’humilier. Nous étions minoritaires mais quand Nelson Mandela est mort vingt ans plus tard, le monde était à son chevet… Tout ça appartient désormais au passé, mais le combat contre le colonialisme, l’indépendance des peuples et le respect de leurs choix est fortement actuel. Les enfants de la troisième et de la quatrième génération ont besoin d’avoir accès à cette mémoire et de connaître les combats qui ont aussi été menés en France à cette époque. Des militants communistes ont perdu la vie, fait de la prison et été persécutés parce qu’ils avaient fait le choix de l’indépendance de l’Algérie. Le mettre en avant serait une source d’apaisement, tout comme il faudrait trouver les mots et exprimer des regrets pour dire que les choix faits par les dirigeants d’alors n’étaient pas justes.

 

L’histoire du PCF, c’est aussi celle de l’union des gauches. Aujourd’hui, où en est-on ​?

 

Les débats qui ont émaillé le congrès fondateur de Tours en 1920 perdurent. Entre la social-démocratie qui ne remet pas en cause le capitalisme et la gauche communiste qui souhaite mettre en place un autre système économique, plus juste et plus humain, le combat idéologique persiste. C’est aux citoyens de le trancher. L’originalité du PCF par rapport à d’autres forces de gauche, c’est d’avoir toujours été un parti de rassemblement prêt à s’unir dans l’intérêt de la nation et du monde du travail. C’est le choix que nous avons fait en 1936 avec Léon Blum et les radicaux, qui n’était pas évident, mais aussi en 1945 avec De Gaulle, ce qui était encore moins évident. Enfin en 1973 quand nous choisissons de soutenir François Mitterrand à l’élection présidentielle. Ce sont à chaque fois des mouvements populaires pour l’intérêt général. C’est ce qui doit nous guider, contrairement à ceux qui aujourd’hui à gauche mettent des préalables au rassemblement.

 

Quelle place occupe la victoire du « ​non ​» au référendum de 2005 sur la constitution européenne dans l’histoire du parti ​?

 

C’est un moment très important pour deux raisons. Premièrement, c’était une victoire populaire qui a fait la démonstration que le peuple pouvait être lucide et faire un choix en conscience sur cette construction européenne ultralibérale. Les Français ont dit non et le grand malheur de notre pays, c’est qu’il n’a pas été respecté. Par Nicolas Sarkozy d’abord puis par François Hollande. Deuxièmement, la leçon de cette victoire est qu’elle a été rendue possible parce que le PCF a tendu la main aux autres forces de gauche pour mener une campagne commune. Nous avons fait des tribunes communes avec des dirigeants socialistes, écologistes, des associatifs et des syndicalistes. Marie-George Buffet, alors secrétaire nationale, avait fait le choix de partager le temps d’antenne qui lui était dévolu avec d’autres formations. Ce rassemblement a permis de donner un contenu progressiste au vote pour le « non », à la différence de celui de l’extrême droite qui était nationaliste.

 

« Dire que les partis sont dépassés et qu’ils ne servent à rien, c’est se raccrocher à l’homme ou la femme providentielle, à des mouvements éphémères »

 

Le parti a compté à son apogée des centaines de milliers de membres avec un sentiment d’appartenance très fort. Que reste-t-il de cet âge d’or ​?

 

Je ne suis pas nostalgique. Le PCF, ce sont aujourd’hui 90 000 sympathisants dont 50 000 cotisants. Nous devons être l’un des premiers partis de France en la matière. En plus de notre réseau d’élus, les 630 mairies communistes et de nos deux groupes à l’Assemblée et au Sénat. Nous avons toujours des réunions locales dans les villages, les villes et les quartiers où on se retrouve ensemble pour faire de la politique mais aussi pour des moments de fraternité et de convivialité. J’ai justement envoyé un message à tous les adhérents pour les appeler à faire vivre cet esprit de camaraderie pendant le confinement, prendre soin de la famille communiste mais aussi du voisin, du collègue, etc. Mais il est vrai que l’engagement politique diminue fortement, toutes forces confondues, et c’est grave pour la démocratie. Les gens courent le risque de devenir des consommateurs de la politique. Ils ne votent plus et nous devenons de plus en plus dépendants de forces extérieures. Dire que les partis sont dépassés et qu’ils ne servent à rien, c’est se raccrocher à l’homme ou la femme providentielle, à des mouvements éphémères.

 

Vous avez été élu sur un discours critique de la période récente, sans candidats du parti à la présidentielle. Est-ce toujours le cas ​?

 

La situation politique que nous vivons en ce moment démontre qu’il est nécessaire d’offrir un espoir aux Français. Ils doivent savoir qu’on peut sortir de ce système économique qui privilégie l’argent, la concurrence et la compétitivité. Qui oppose les Français et les divise. Il est important qu’il y ait un PCF qui redonne de l’espoir au monde du travail, c’est tout l’enjeu de notre congrès de l’année prochaine et du choix que nous aurons à faire pour l’élection présidentielle de 2022.



21/11/2020
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