HOMMAGE. AU MUR DES FÉDÉRÉS, L’ADIEU À ROLAND
Au cimetière du Père-Lachaise à Paris, une cérémonie sobre et émouvante devant quelques centaines de personnes a évoqué la personnalité et l’action de l’ancien directeur de l’Humanité, disparu la semaine passée.
L’étrange février qui vient de finir a hâté la venue du printemps. On entend des timides chants d’oiseaux dans les escaliers menant au mur des Fédérés, les fusillés de la Commune de Paris montée à « l’assaut du ciel », comme le disait Jacques Duclos, qui repose ici. Le Parti communiste, il y a longtemps, avait acheté un carré. Les noms de ceux qui y reposent furent des acteurs de ce siècle dont parlait Aragon, « Siècle martyr, siècle blessé, c’est de sang que sa bouche est peinte. » Roland Leroy en fut, entré dès l’âge de 15 ans dans la Résistance. La mort de l’ancien directeur de l’Humanité et dirigeant du PCF ne pouvait être une surprise. On l’avait découvert affaibli les dernières fois qu’on l’avait entrevu, quand bien même il avait ce même regard pétillant de malice et d’ironie avec son sourire en coin. Il y avait du dandysme et de l’élégance chez lui. Une belle photo est affichée derrière la petite estrade, à côté d’un drapeau tricolore et d’un drapeau rouge.
Sous les grands arbres encore nus, la voix de Jean Ferrat s’élève
Devant quelques centaines de personnes, après quelques mots de présentation de la sénatrice communiste Céline Brulin, c’est en saluant l’épouse de Roland Leroy et en reprenant un titre de Stefan Zweig qu’Ivan Levaï évoquait « le monde d’hier » « où nous faisions face au temps comme il vient et comme il change » : « Le communiste Roland Leroy sut, d’une guerre l’autre, faire face à toutes les crises, tous les temps difficiles. » Après avoir animé, des années durant, les joutes à la radio entre le directeur de l’Humanité et Jean d’Ormesson, il rappelait avec humour les éditoriaux du journal ferraillant « avec la presse bourgeoise et qui l’est encore ». Avec Roland Leroy, « l’Humanité était humaine, engagée, élégante. »
Dans le silence qui suit, sous les grands arbres encore nus, s’élève la voix de Jean Ferrat avec les vers d’Aragon : « Un jour viendra couleur d’orange, un jour d’épaule nue et de palme ». Les mots que toutes et tous connaissent se remettent à vivre. Lucien Marest, qui fut proche de Roland Leroy dans ses rapports avec les artistes et intellectuels, évoque tout ce qu’il entreprit, s’appuyant sur ses liens étroits avec Aragon et tant d’autres intellectuels et artistes des décennies 1960 et 1970, pour dégager la pensée communiste de l’étroitesse du réalisme socialiste, penser la création, la philosophie en liberté. « Il a contribué grandement à l’élaboration d’une nouvelle politique culturelle de la France. »
À sa suite, Patrick Apel-Muller, le directeur de la rédaction de l’Humanité, se souvient : « À l’Humanité, il était “Roland”, et le prénom disait tout, l’admiration pour son brio, pour sa rigueur, pour son invraisemblable capacité de travail, la reconnaissance parfois agacée de son habileté à vous conduire là où il voulait. Son charme, auquel chacun, même prévenu, avait succombé, alimentait une légende. Une critique de sa part était redoutée : précise, pointue, argumentée. Il aurait fait sienne la proclamation de Guillaume Apollinaire : “Nous avons des droits sur les paroles qui forment et défont l’Univers”. » Patrick Apel-Muller évoquait ensuite les acquis de la direction de Roland Leroy. « En un temps où des financiers prennent la direction des journaux, il faut souligner que Roland fut un véritable homme de presse (…). Roland a su également faire profiter l’Humanité de son formidable appétit de culture, de découvertes et de rencontres (…), il ouvrit le journal à d’autres courants de pensée de la gauche sociale, intellectuelle et politique, institua des pages idées, et mit le journal au service de grandes causes. » Et puis, dit-il, « comme élève, puis ami, au nom des équipes d’hier et d’aujourd’hui de l’Humanité, de Patrick Le Hyaric qui a salué dans ses colonnes « un beau et fort directeur de l’Humanité », je dis, chapeau bas, pour Roland ! ».
« Roland disait ensuite Fabien Roussel le secrétaire national du PCF, nous rassemble aujourd’hui une dernière fois, ici, devant ce mur des fédérés qui fait écho à sa propre vie de combattant (…). Toute sa vie, Roland est resté un homme debout, dressé face à l’injustice sous toutes ses formes.
Dans son métier d’homme de presse disait-il, comme dans sa tâche d’élu, « jamais il ne cédait à l’à-peu-près. Il n’était pas journaliste à la base mais il avait une très haute idée de la liberté de la presse ». Il était aussi « un homme d’action, une des plus grandes figures de notre parti » et, « Malgré les inévitables revers, les doutes, les atteintes mêmes à la belle idée du communisme, il est resté jusqu’au bout tel qu’en lui-même : fidèle à son idéal qu’il décrivait ainsi voici quelques années : « Je ne parle pas d’illusions, je parle d’aspirations, qui sont toujours les miennes ».
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