LÉGISLATIVES. FABIEN ROUSSEL : «? LA MAJORITÉ EST PLUS QU’ACCESSIBLE?»
L’invité du mardi. Chaque semaine, l’Humanité ouvre ses colonnes à un responsable de l’un des partis qui composent la Nupes. Aujourd’hui, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, assure que cet accord est « une chance exceptionnelle » de conquérir l’Assemblée.
Les premiers résultats de la coalition de gauche, avec 10 candidats qualifiés au second tour sur les 11 circonscriptions des Français de l’étranger, sont de bon augure. Pour le secrétaire national du PCF, il n’en faut pas moins « mener campagne tous azimuts », pour transformer l’essai et imposer une majorité de gauche à Emmanuel Macron.
Pour 63 % des Français, le pouvoir d’achat est le sujet qui comptera aux législatives, selon Harris Interactive. Emmanuel Macron promet une loi après les élections, Marine Le Pen mène campagne sur ce thème, que leur opposez-vous ?
Ni l’un ni l’autre n’apportent de véritable réponse. Macron propose des primes à la tête du client. Quant à Le Pen, elle n’est en rien une alternative : la hausse des salaires qu’elle évoque est de seulement 3 % et sans cotisations, nous aurons donc à payer de notre poche pour la Sécurité sociale. Il n’existe qu’une seule loi efficace, c’est celle qui portera, dès juillet, le Smic à 1 500 euros net, et nous organiserons une conférence sociale générale pour l’augmentation des salaires. En cas d’échec de celle-ci, il faudra remettre à l’ordre du jour l’échelle mobile des salaires, c’est-à-dire leur hausse automatique en fonction de celle du Smic. De même, les pensions de retraite devront être alignées avec au minimum 1 500 euros pour une carrière complète, la demi-part fiscale rétablie et la CSG réduite. C’est ce que nous proposons avec l’alliance des forces de gauche et écologistes.
Vos adversaires vous opposent que ces mesures seraient insoutenables…
Nous accompagnerons les petites entreprises en baissant les charges financières, assurantielles, d’énergie et par des prêts à taux bonifiés. Le deuxième levier réside dans la création d’emplois dans les services publics, la transition écologique et la relocalisation de l’activité : la hausse des salaires doit aller de pair avec une relance de la production de biens et services produits en France.
Ces gains de pouvoir d’achat ne risquent-ils pas d’être aspirés par l’inflation ?
L’inflation est mise sur le dos de la guerre en Ukraine. Mais, en réalité, une grande partie de la hausse des prix est liée à la spéculation en Bourse et à de grands groupes qui, sous couvert de crises, augmentent leurs tarifs. Ils ont accumulé 300 milliards de dollars de dividendes pour le seul premier trimestre 2022. Il faudra donc des mesures fortes de blocage des prix et taxer les profiteurs de guerre.
Face à la logique de la Ve République, la gauche peut-elle vraiment l’emporter ?
L’accord historique que nous avons scellé est une chance exceptionnelle d’envoyer une majorité de députés de gauche à l’Assemblée. Trop souvent, nos concitoyens pensent que le chef de l’État étant élu et son gouvernement nommé, tout est déjà joué. Or, c’est bien en fonction de la couleur de l’Assemblée que le premier ministre est désigné. Nous sommes en tête dans les sondages, c’est à portée de vote. Au minimum, nous pouvons empêcher qu’Emmanuel Macron ait les mains libres avec une majorité absolue. L’abstention est notre principale adversaire. Nous devons mener campagne tous azimuts pour parvenir à mobiliser les 32 % d’électeurs qui ont choisi l’un des candidats de gauche à la présidentielle.
Les libéraux promettent une France en faillite en cas de victoire de la Nupes. Que répondez-vous ?
Ils sont très mal placés pour donner des leçons. Avec leur politique, nous avons perdu notre souveraineté industrielle et énergétique. Ils ont conduit nos hôpitaux publics à la ruine. La faillite de la France, c’est eux. Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, les règles du pacte de stabilité ont volé en éclats. Si la gauche l’emportait, le poids politique et économique de la France au sein de l’Union européenne ouvrirait la possibilité d’écrire un nouveau traité fondé sur l’exigence de progrès social. Nous savons bien que les forces capitalistes seront pleinement mobilisées contre nous et nous aurons besoin de mobilisations sociales puissantes, dans les entreprises et dans la rue, pour rendre incontournables les changements attendus.
L’accord de la Nupes compte 650 mesures, comment ferez-vous entendre les spécificités communistes lors du mandat ?
Cet accord nous a permis de nous entendre sur une série de mesures mais il prévoit aussi pour chacun un groupe plus fort à l’Assemblée. Pour les communistes, ce sera l’occasion de porter les propositions que nous avons défendues pendant la présidentielle pour la France des jours heureux. Des nouveaux droits et pouvoirs aux salariés, à la nationalisation des banques, en passant par notre conception de la République et de la laïcité ou le mix nucléaire-renouvelable.
Vous semblez douter du mot d’ordre « élire Mélenchon premier ministre », vous n’avez pas participé à certaines initiatives de la Nupes… Est-ce une prise de distance ?
Non, pas du tout. D’abord, j’ai simplement rappelé que le premier ministre n’est pas élu. La confusion et la personnalisation du régime sont déjà suffisamment grandes, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Et ma seule prise de distance, c’est avec Paris. Je suis le seul responsable d’un parti de la coalition à enchaîner présidentielle et législative, et à vivre en dehors de la région parisienne. Je veux m’y consacrer à temps plein car je fais face à une extrême droite très forte ici.
Au-delà du résultat des législatives, comment voyez-vous l’avenir de la Nupes et de la gauche ?
C’est une œuvre de longue haleine de regagner la confiance et l’intervention du peuple, des salariés. Et c’est à la lecture des résultats que nous pourrons faire un premier bilan. Pour la hausse du Smic, le revenu étudiant, la retraite à 60 ans, le milliard d’euros contre les violences faites aux femmes, quoi qu’il arrive, nous mènerons des combats communs. Le rendez-vous de la Fête de l’Humanité, en septembre, sera un moment fort pour faire converger ces luttes.
Vous avez été élu à la tête du PCF avec l’ambition de le remettre sur le devant de la scène. Comment envisagez-vous les prochaines étapes ?
La présidentielle a été une étape importante qui a permis de mettre en lumière des propositions et notre projet dans le débat politique. Depuis, beaucoup de gens m’interpellent pour me féliciter de la campagne, du souffle qu’elle a donné pour construire un autre avenir à la France, à la gauche, au mouvement populaire et du coup de jeune qu’elle a apporté à notre parti. Nous écrirons la suite avec l’ensemble des communistes après le scrutin et avec un congrès début 2023. Nous devons continuer dans cette voie, continuer de travailler notre projet pour la France et de rassembler largement, pour de nouvelles conquêtes sociales.
A découvrir aussi
- Un «?Pognon de dingue?», vraiment ??
- Fabien ROUSSEL Député, Secrétaire National PCF : Préserver le lien entre les élèves, les écoles et les enseignant-es. VIDEO
- Fabien ROUSSEL : Assistante sociale, aide à domicile, assistante maternelle, aide aux enfants handicapés, femme de ménage, garde d’enfants… Malgré votre utilité,