En ce 24 décembre, alors que la grève largement soutenue passe la barre des 20 jours en s’intensifiant dans les secteurs stratégiques que sont la SNCF, la RATP mais aussi les raffineries, le gouvernement tente par tous les moyens de relégitimer son projet de réforme des retraites. Sa dernière tentative : publier des simulations présentant des « cas-types » de salarié-es touché-es par la réforme, dont le niveau de pension resterait inchangé. Son dernier échec : il est avéré que les calculs employés pour réaliser ces simulations sont biaisés en faveur de la réforme et cachent une toute autre vérité.
mercredi 25 décembre
La bataille des chiffres au travers des simulations : un enjeu dans la situation actuelle
Depuis l’annonce du projet de réforme des retraites, la lutte politique se joue sur de nombreux terrains et notamment sur celui des chiffres. Dans cette bataille, les simulations visant à estimer le montant des retraites perçues après la réforme en fonction de profils-types est un enjeu à part entière. La preuve a maintes fois été faite des effets dévastateurs de cette réforme dans l’immense majorité des cas, en particulier pour les carrières des personnes les plus précaires. Plusieurs syndicats ont mis à la disposition des travailleuses et des travailleurs des simulateurs élaborés à partir des données du rapport Delevoye. C’est notamment le cas de celui du Snes, syndicat majoritaire dans les collèges et les lycées. D’après ce simulateur, à titre d’exemple, pour un prof certifié ayant commencé en 1990 qui travaillerait 40 ans jusqu’en 2030 avec en moyenne 1h supplémentaire chaque semaine, la réforme aurait pour conséquence une perte de 563€ par mois - faisant passer sa retraite de 2281,49€ brut dans le système actuel à 1717,77€ par mois.
Jeudi 19 décembre, le gouvernement publie de nouvelles simulations visant à rassurer les travailleuses et les travailleurs quant à l’évolution que subirait leur retraite si la réforme passait. Cette tentative quelque peu désespérée intervient dans un contexte des plus tendus, puisque les grévistes des secteurs les plus stratégiques viennent alors d’affirmer poursuivre le combat pendant les fêtes et bénéficient encore d’un très large soutien auprès de la population - et ce malgré l’offensive médiatique visant à retourner l’opinion publique contre les grévistes autour de la question de la « trêve de Noël ».
Des chiffres truqués pour rassurer l’opinion
Or, d’après Mediapart, les 36 « cas-types » présentés par le gouvernement sont loin d’être représentatifs. D’abord, les hypothèses retenues sont, sans surprise, les plus favorables possibles, étant donné les paramètres de la réforme. Ainsi, ils donnent à voir seulement des cas où le niveau de la pension de retraite serait maintenu, sans s’intéresser à la majorité des profils pour lesquels la réforme est synonyme d’une profonde précarisation.
Ensuite, la simulation à géométrie variable présentée par le gouvernement se garde bien de prendre en compte la mise en place de « l’âge-pivot », pourtant largement défendu par le premier ministre, alors qu’il s’appliquerait aux dernières nouvelles à l’ensemble des Français-es né-es après 1960 et ce avant même la mise en place du régime universel réservé aux personnes nées avant 1975. D’après le collectif Nos retraites qui a donc cherché à évaluer les conséquences de « l’âge-pivot » fixé à 64 ans, la mise en place de ce dernier impacterait négativement plus des deux tiers des travailleuses et des travailleurs né-es entre 1960 et 1975 car leur décote serait aggravée ou leur surcote diminuée.
Source : Mediapart
Plus largement, le fait que le gouvernement calcule un maintien des pensions dans ses 36 « cas-types » s’explique par la prise en compte dans le calcul de l’attribution de nouvelles primes « sorties du chapeau » dont ne connaît ni le niveau ni le rythme d’acquisition. De plus, comme le souligne Mediapart, « ne sont détaillés pour l’heure, et pour aucun profil, ni les critères de pénibilité ni les conséquences de période de chômage, ou de grossesse pour les femmes, et encore moins les cas particuliers des bénéficiaires des régimes spéciaux ou des indépendants… ». Par ailleurs, toujours selon le quotidien, le gouvernement a choisi de réaliser ses simulations seulement pour des profils de salariés fictifs qui auraient commencé leur carrière de façon à avoir leur taux plein (42 années de cotisations selon les règles actuelles pour ces générations-là) à 64 ans, au moment de l’application de l’âge-pivot. Ceux qui auront leurs annuités à 62 ans et donc un taux plein devront tout de même supporter une décote de 5 à 10% ou continuer à travailler jusqu’à 64 ans. Dernière entourloupe identifiée par Mediapart : les simulations publiées par le gouvernement utilisent le même âge pivot pour les personnes nées en 1980 et en 1990 alors que le rapport Delevoye prévoit un recul de cet âge - de 64 ans à 65,4 ans pour les personnes nées en 1980, et à 66,25 ans pour celles nées en 1990.
Bien que le projet de réforme reste encore flou à bien des égards, les grandes lignes présentées dans le rapport Delevoye et défendues par le gouvernement sont claires : il s’agit de réaliser des économies sur le dos des travailleuses et des travailleurs les plus précaires en les incitant à travailler plus longtemps (avec ou sans âge-pivot, qui est une sorte de cerise sur le gâteau) et à toucher des pensions moindres comparé au système actuel qui a déjà été considérablement attaqué. Au-delà des tentatives maladroites visant à nous faire croire que cette réforme serait progressiste dans ses différentes options, les meilleures prévisions apparaissent dans le travail de chercheurs honnêtes mais aussi dans la détermination des grévistes qui poursuivent et durcissent le mouvement après 20 jours de lutte sans salaire et malgré les pressions et répressions de la bourgeoisie : la réforme des retraites c’est la précarisation de l’immense majorité et, pour cela, c’est à l’immense majorité de la combattre sans négociation et jusqu’au retrait !
Pour soutenir les grévistes qui poursuivent le combat pendant Noël, n’hésitez pas à donner aux différentes caisses de grève.