Tant de 1er mai dans les yeux de Jean !
Il sera encore dans les rassemblements. Dire qu’il en a fait, Jean, des 1er mai. «. Je devais avoir 1 ans pour le 1er, c’était en ....19 23. J’étais sur les épaules de mon père dans les rues. A l’époque, le jour n’était pas férié. Ceux qui chômaient étaient licenciés dès le lendemain»
Jean, nous l’appelions « Front populaire ». Enfants, nous imaginions que ce surnom lui était donné parce qu’il avait un « front » très connu dans la région. C’est bien après que l’on a compris que l’attribut lui venait d’une lumière née du printemps 1936. Il avait à peine13 ans. Il était apprenti. « Arpette » comme on disait alors. Dans les usines on entendait chanter : « Pain, paix, liberté! » Toutes ces choses nouvelles que les saisons précédentes avaient confiées aux utopies. « Ce fut sans doute un des plus forts que j’ai vécu. Trois jours avant que le Front populaire ne gagne les élections. Au premier tour, le 26 avril, on avait senti le vent tourner. Et puis il y eut les accords Matignon de juin. Un gars venu d’Albertville a annoncé à la foule ce que les syndicats avaient obtenu. Des conquis auxquels personne n’aurait osé rêver: d’un coup, les congés payés, les quarante heures, les conventions collectives, 40 % d’augmentation de salaires. A la fin de la réunion, on a vu un paysan se lever et dire, étonné : « Mais ho, Albert, c’est quoi ça ,les congés payés ? » La salle a hurlé de rire, mais il fallait comprendre, ça paraissait incroyable! « T’es sur que t’as bien entendu, Albert ? Non seulement on ne va pas travailler mais en plus on va nous payer pour ne pas travailler ! » Il s’est assis et n’a plus rien dit de la soirée ».
La nouvelle remonte les cités, partout, valses et javas font danser les assemblées. On rêve d’échappées vers la mer. En un été, un petit peuple étale pour la première fois ses bleus d’âme aux chaleurs des côtes, billet de congé payé en prime avec réduction de 40 %. «Je n’ai pas été bien loin, poursuit Jean. A la terre, tu n’avais pas le temps d’aller montrer tes gambettes à l’océan. On en a profité pour rattraper le retard des foins ! »
Et puis il y eut d’autres 1er mai. Celui de 1939, couleur sombre : « On entendait déjà les bruits de bottes, on sentait dans les défilés silencieux les plaies futures ». Le 1er mai 1940 sentit l’imminence des défaites. Elles survinrent en juin et ajoutèrent pendant quatre ans des tâches de sang aux Mai clandestins. Avant qu’un 1er mai 1945 se conjugue aux rumeurs de la Libération.
On dansa tard, ce soir là au gré des bals improvisés des rues. Les aubes sentaient l’invention sociale. Et les printemps défilent dans les yeux de Jean. 1er mai 1968 augurant une saison douce. 1989, rappelant d’autres dignités républicaines, 2000 espérant un monde nouveau. Et puis et puis quels lendemains ? Combien encore de mai de lumières et d’ombres. « J’ai fait mon chemin. J’ai essayé d’être solidaire, digne et droit. Je tends aujourd’hui le relais à ceux qui de nouveau tissent d’autres millénaires au creux de leurs songes…
Michel ETIEVENT»
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