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Reportage du Magazine ELLE: Femme et maire - Patricia Pédinielli : « Pourquoi je ne me représente pas »

Reportage du Magazine ELLE

 

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Publié le 6 mars 2020 à 12h07Patricia Fernandez-Piédinielli. © Facebook Ville de Port-de-Bouc

 

Lorsqu’elle prend ses fonctions pour la première fois en 2005, Patricia Fernandez-Pédinielli devient la plus jeune maire de sa région. Après 3 mandats et 15 ans passés à la tête de la mairie de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), l’élue PCF a choisi de laisser sa place. Rencontre. 

 

ELLE. Quels conseils donneriez-vous à une femme qui se présente pour la première fois en tête de liste ?

 

Patricia Fernandez-Pédinielli. Dès les premiers instants, il faut se considérer maire à 100%. Nous sommes souvent perçues comme des femmes avant d’être considérées comme des personnes politiques à part entière. On nous demande sans cesse « mais qui s’occupe des enfants si vous êtes là ? ». Il faut savoir s’organiser et se protéger du sentiment de culpabilité que certains tentent de faire peser sur nos épaules. Cela peut être difficile pour les enfants, à l’école et au quotidien. Un jour, mon fils m’a dit : « Maman, tu as trois enfants. Moi, ma sœur et la ville ». Cette phrase est restée avec moi. Quand je débutais, j’avais insisté pour garder mes mercredis libres. Je les réservais à mes enfants. C’est quelque chose que je conseillerais pour les candidates qui veulent maintenir une vie de famille. Il est également difficile de garder une vie privée. Lors de mon premier mandat, on me demandait sans cesse où j’étais partie en vacances, ce que j’aimais faire dans mon temps libre. Ce sont des questions extrêmement intrusives. Il faut maintenir une séparation vie privée et vie publique, ce qui n’est pas toujours facile, et savoir bien s’entourer. On se rend vite compte que les gens nous courtisent par intérêt. 

 

ELLE. Pourquoi ne vous présentez-vous pas à nouveau ?

 

Patricia Fernandez-Pédinielli. Il y a plusieurs raisons. D’abord, je crois qu’il ne faut pas s’accrocher trop longtemps à ce rôle car la démocratie doit être vivante. On ne connait plus les jeunes quand on a 50 ans ; il faut savoir laisser sa place. Lors de ma première élection, en 2005, je n’avais que 33 ans. Ensuite, le 13 juin 2019, j’ai subi une agression à mon domicile. L’époux d’une employée municipale a mis le feu à ma clôture de jardin, car il était en désaccord avec le montant du salaire de sa femme. Pourtant, ces questions ne sont pas de mon ressort. Institutrice de profession, je suis moi-même fonctionnaire. Cette atteinte à ma vie privée, au lieu où je vis avec mes enfants, a été déterminante dans mon choix de ne pas me présenter à nouveau. Enfin, il n’existe pas de « statut électif », donc je cumule depuis le 1er avril 2019 ma profession d’enseignante avec mon engagement de maire. Il était impensable pour moi d’abandonner ma commune sans finir mon mandat, mais il est difficile de tenir ce rythme. 

 

ELLE. Quels sont les grands obstacles auxquels vous avez dû faire face ?

 

Patricia Fernandez-Pédinielli. Être une jeune femme maire rend la tâche d’autant plus difficile. Les hommes se placent souvent dans une position de séduction, car on représente une sorte de fantasme. Il faut savoir rester ferme pour gagner une forme de crédibilité. J’ai eu beaucoup de résistance de la part d’hommes dans la société civile. Mais j’ai aussi rencontré des personnalités politiques haut placées faisant preuve d’une grande écoute. J’ai vu de nombreuses femmes devenir « masculines » pour se faire accepter. Elles se montraient agressives, impitoyables. Je pense qu’il est essentiel de rester soi-même. Il ne faut pas rentrer dans le rôle de la « bimbo séductrice », ni dans celui de la femme agressive si cela ne nous correspond pas. L’important reste la force des arguments et la rigueur de l’exposé. Il faut se faire entendre dans la rationalité, avoir des convictions à défendre et toujours être dans le dialogue, à l’écoute. Une démocratie ne peut pas fonctionner autrement. Enfin, les hommes ne partagent pas facilement le pouvoir. Il vaut mieux avoir un compagnon progressiste. Mon ex-mari ne l’était pas, il m’a quittée lorsque j’ai été réélue. Il faut une cellule familiale prête à nous épauler, notamment au niveau de l’organisation quotidienne, car c’est une fonction extrêmement chronophage. 

 

ELLE. Pourquoi n’y a-t-il que 16% de femmes maires ?

 

Patricia Fernandez-Pédinielli. Les mentalités doivent évoluer. Il faut faire grandir la place du père en tant que parent. Il peut et doit aussi s’occuper des enfants au quotidien. Aujourd’hui il est très cher de payer une nounou, et les budgets municipaux ne permettent pas d’instaurer des crèches au travail. Le changement ne peut pas se passer à l’échelle de la commune, il faut un travail de fond, au niveau de l’état. J’entends souvent des femmes me dire qu’elles n’osent pas se présenter, car leur mari ne serait pas content, ou parce qu’elles ont peur du sentiment de culpabilité qui vient lorsque l’on a moins de temps à consacrer à ses enfants. Elles me disent qu’elles n’arriveront pas à tout faire. Évidemment qu’elles n’y arriveront pas ! Les hommes non plus n’y parviennent pas. Il faut déconstruire le mythe de la Superwoman infaillible qui peut tout gérer simultanément. Il faut se battre contre les préjugés sexistes et accepter que l’on puisse être imparfaite. Le machisme est très présent, il faut avoir des épaules solides pour encaisser. J’ai une collègue en Côte Bleue qui a renoncé à se présenter parce qu’elle avait été victime d’attaques sexistes.

 

ELLE. Le mot de la fin ?

 

Patricia Fernandez-Pédinielli. Malgré les difficultés, mes mandats ont été une expérience magnifique. Il n’y a pas de tâche plus noble que de défendre les communes françaises et la démocratie de proximité. C’est un engagement formidable qui permet de toucher à tous les aspects de la vie des gens. Je veux dire aux jeunes femmes : osez ! Il ne faut pas délaisser les communes. 



23/03/2020
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