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Vitry, au delà d’une élection d’un maire, un problème politique

 
 
Guo-Wengui-3

 

 

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Quelques remarques sur la situation à Vitry, nous avons essayé au-delà de la publicité que la presse a accordé à cette élection d’un maire de voir quelle était la situation réelle et les problèmes de fond qu’elle posait. Ces questions de fond sont les seules qui nous intéressent dans ce blog où nous avons pour doctrine de prendre un peu de distance avec l’événement. La situation à Vivry nous parait poser le problème de la relation du PCF, parti de la classe ouvrière et des couches populaires, avec ses élus, étant bien entendu comme l’ont prouvé les récentes élections municipales que la grande masse de ces élus ont montré à quel point ils étaient proches de ces préoccupations populaires. Mais il y a eu des pertes de villes, une abstention, tout cela est signe d’un problème sur lequel la situation à Vitry apporte un éclairage.

 

On sait que lors de l’élection du maire à Vitry, le maire étiqueté communiste sortant J.cl. Kennedy a été remplacé par le secrétaire de section lui aussi communiste et ce dès le premier tour de l’élection à la majorité absolue. Cela a été présenté dans la presse et dans les réseaux sociaux comme une sorte de coup d’état. Il y a même eu une déclaration de la fédération du Val de Marne comparant ce qui se passait à Vitry à ce qui avait failli se passer à Marseille où par le jeu des mairies de secteur un choix massif de l’électorat en faveur de la gauche risquait d’être détourné en faveur de la droite. Notons qu’il ne s’agit pas de cela, puisque dans ce cas la majorité élue reste la même et l’étiquette du maire communiste reste identique.

 

C’est même semble-t-il pour éviter un rapt contraire que l’ex-maire a été battu par sa majorité.

Non il ne s’agit pas d’un coup d’Etat, mais bien du refus de l’ancien maire Kennedy de respecter les bases sur lesquelles il avait été élu… Ce refus concerne deux questions essentielles:

  • le programme, en particulier ne pas mettre en œuvre une politique de privatisation des services publics
  • rompre avec l’accord passé avec des composantes de la liste pour s’ouvrir à une liste d’opposition. On a beaucoup affirmé sur les réseaux sociaux le contraire des faits, à savoir que Pierre Bolloch et tous ceux qui l’ont suivi, auraient sacrifié les communistes au profit des “alliés”, c’est faux l’équilibre au sein de la majorité est celui voulu par les électeurs alors que l’ancien maire Kennedy, selon un schéma de liquidation bien connu voulait avec son ami jacques Perreux passé du communisme à l’anti-communisme introduire dans la majorité des opposants, une opération à la Braouzec à saint Denis.
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Certes la situation aurait dû éclaircie avant et il faudra bien poser le problème sur le fond pour éviter des situations qui ne peuvent que détourner un peu plus l’électorat populaire d’élections, et les communistes de Vitry n’ont cessé de le demander, ils ont fait part à la direction du parti de leurs inquiétudes sur les orientations du maire et sur ses alliés réels.

 

Lors des municipales de 2020, la liste de Jean-Claude Kennedy est portée par EELV, PS et PCF. L’alliance avec le mouvement écologiste n’a pas été simple car la section locale était divisée et une partie a préféré rejoindre la liste Vitry en mieux (qui avait porté les couleurs d’EELV en solo en 2014), également soutenue par LFI.

 

La ville a d’ailleurs connu un taux d’abstention record. Les communistes, malgré l’hostilité de la FI et d’une partie d’EELV, avaient depuis une année construit une majorité et la victoire est due à cette politique qui tablait sur un renouveau auquel le maire avait promis de se conformer. Confrontés au coup de force de l’ancien maire, ils ont tenté toute une nuit de le convaincre en vain; c’est une situation inimaginable, mais il vaut mieux si les communistes de Vitry l’estiment ne pas élire un maire qui risque de faire perdre à terme toute crédibilité au parti communiste, que soutenir jusqu’au bout des gens qui après font tomber dans l’escarcelle de la droite des mairies réputées imprenables.

Ce qui s’est passé à Gardanne, à Saint Denis et ailleurs le prouve…

Dans le Val de Marne à force de soutenir des mairies limites et n’en faisant qu’à leur tête et à celle d’un petit groupe d’amis, le tocsin a résonné très fort…

 

Donc l’indignation de direction de la fédération contre ce qui se passe à Vitry est mal venue… D’ailleurs ils vont devoir finir par arrêter cette agitation inutile parce qu’ils ne sont pas en situation après leurs résultats d’entrer en conflit avec les communistes de Vitry avec la très grande majorité des élus qui ont le droit et le devoir d’élire l’élu qui correspond le mieux aux intérêts de la population de Vitry et au contrat collectif.

 

Le vote massif des nouveaux élus dès le premier tour, qui a été de 27 voix contre 11 à l’ancien maire a dit qu’il ne s’agissait pas d’une majorité de circonstance autour de Pierre Bolloch, le secrétaire de section communiste, mais de la quasi unanimité de ceux qui veulent le respect de l’électeur populaire face aux compromis des notables. 80% des élus communistes de la liste se sont prononcés devant les faits en faveur de Pierre Bolloch.

 

Ceux qui ont soutenu l’ancien maire sont ceux qu’ils voulaient faire rentrer dans sa majorité comme à Gardanne pour mieux à terme livrer la ville. C’est pour cela qu’il faut se calmer et être très clair, c’est bien sur le programme et sur le respect de celui-ci que le choix du maire qui relève du conseil municipal est intervenu et il ne change pas l’orientation puisque c’est un communiste qui succède à un communiste.

 

Il est clair que le coup de force de l’ex-maire de Vitry, les mesures qu’ont dû prendre les conseillers municipaux vont peser longtemps sur la situation et il faudra beaucoup de force, de volonté à la majorité et aux communistes pour surmonter cela. Mais ce problème de légitimité concerne désormais bien des municipalités en France alors que jusqu’ici les élus dans nos communes étaient ceux auxquels les Français accordaient le plus de confiance. Pourtant à la fois parce que le pouvoir a tout fait pour les priver des moyens de leur gestion et parce que se sont instaurés de plus en plus des clientélismes à la place des équipes et des programmes nous avons vécu ce taux d’abstention record qui a touché d’abord les couches populaires.

 

Ce qui vient de se passer à Vitry comme dans bien des mairies perdues sans la moindre fatalité, simplement parce que certains depuis des années qui ont hérité de villes populaires conquis par d’autres en ont fait des baronnies dans lesquelles ils menaient des politiques à leur convenance et à celles de leurs amis. Mis en cause, ils n’ont pas craint de les livrer au PS , à l’opposition. Est-ce qu’il sera longtemps possible de tolérer que l’ego des maires se substitue à tout programme et aux forces qui se sont entendues sur lui ?

 

Sur le plan du droit, ce qui s’est passé à Vitry n’est absolument pas illégal, le maire n’est pas élu au suffrage direct mais par sa majorité. Pourtant cela pose un problème très important, incontournable parce que la campagne met en avant la tête de liste, mais aussi de la relation du PCF avec ses élus. Ce qui s’est passé à Vitry est monnaie courante dans la plupart des partis, mais cela choque le militant communiste qui exige une attitude exemplaire de ses élus. Par ailleurs la presse qui jamais ne prononce le mot communiste là y fait référence dans un but évident : démontrer que le PCF est un parti comme les autres et qu’il a perdu sa “pureté” révolutionnaire. L’extraordinaire publicité accordée aux communistes à cette occasion est une sorte d’hommage indirect à la vertu dont il continue à être paré pour le peuple français. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’une question secondaire mais bien de l’identité du PCF.

 

Le choix depuis des années d’aller de plus en plus vers un parti d’élus, d’adhérents au lieu de militants, apparaît ici dans ses limites et ses dangers. Très longtemps le parti communiste a su avoir des élus type Ambroise Croizat, Maurice Thorez à Ivry, et tant d’autres. Ils étaient d’abord des communistes servant les intérêts populaires et sans clientélisme, favorisant un communautarisme. Cette situation a mal évolué et a connu ses premiers grand problèmes dans le contexte de nos difficultés stratégiques du programme commun, de l’eurocommunisme et de formes de social démocratisation du parti.

 

Ce n’est pas une question simple : cet aspect “différent” de l’élu communiste est certes lié à la relation élu et parti mais aussi à l’ensemble de la ville où il doit être l’élu de tous. De ce point de vue l’évolution des maires communistes vers la notabilité relève d’une double responsabilité, celle de l’élu qui a “la grosse tête”, entretient une clientèle, mais aussi sur le rôle du parti lui-même pour savoir intervenir en dehors des périodes électorales, être un élément de la démocratie locale et sur des bases de classe. L’évolution de la population des villes ouvrières dans le contexte des grandes métropoles est une des dimensions du problème et c’est pour cela que dans un texte récent consacré à Marseille, je proposais que l’on raisonne en terme d’alliance avec des couches nouvelles et pas seulement en terme d’ententes à géométrie variable avec des forces politiques, voire avec des “communautés”.

 

Il faut après ces élections avoir le courage de poser clairement les enjeux et le faire dans le contexte d’une stratégie en vue d’un socialisme à la française et pas en catastrophe comme cela a été le cas dans diverses villes. Il faut y compris resituer la question dans des enjeux plus larges qui ont été posées au 38 e congrès. L’unité du parti aujourd’hui mise à mal a besoin de ce débat de fond.

 

Danielle Bleitrach



17/07/2020
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